Le Grand Oral d'Anne Hildalgo

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Gestion des préférences

Quelles seront vos priorités en matière de santé pour les 5 prochaines années ? Comment développer la prévention en santé ?

Notre système de santé reste trop centré sur le soin, et pas assez sur la prévention. Pour développer la prévention, je propose de changer de perspective concernant les dépenses de santé, en partant des besoins de la population pour définir la politique de santé. La France, longtemps réputée avoir l’un des meilleurs systèmes au monde, décroche aujourd’hui en matière d’espérance de vie en bonne santé vis-à-vis de pays comparables, tels que la Suède. J’associerai les acteurs de santé, les collectivités territoriales, et les représentants des usagers et des citoyens à la définition des besoins. Je fonderai les modalités d’évolution et de maîtrise de nos dépenses de santé sur des Objectifs Nationaux de Santé Publique (ONSP) qui seront débattus au Parlement au premier semestre, à la suite d’un travail territorialisé au niveau des départements sur les besoins de santé, et précédant ainsi les lois de financement de la sécurité sociale. Nous donnerons ainsi à la prévention et à la promotion de la santé, un rôle nouveau, construit autour d’engagements pluriannuels et de priorités claires qui engagent l’ensemble des acteurs du système de santé.

L’hôpital doit redevenir attractif. Le travail des personnels hospitaliers sera mieux rémunéré et l’hôpital public sera financé à la hauteur des besoins. Son insertion dans les parcours de soins sera améliorée par le renforcement des coopérations avec le secteur ambulatoire et le médico-social. Les soins de proximité seront renforcés autour des professionnels des soins primaires, en particulier les médecins généralistes, infirmiers et pharmaciens. Il n’est pas acceptable que plusieurs millions de Français vivent dans un désert médical. Je propose la création d‘un dispositif national « Santé et territoires » associant les départements à l’accueil des étudiants et accompagnant les installations de médecins dans les déserts médicaux. Les internes en médecine générale feront une 4e année de 3e cycle en professionnalisation dans les territoires sous-dotés.

Quelle place doit avoir, selon vous, l’hôpital public dans le système de santé de demain ?

Le service public hospitalier doit redevenir le vaisseau amiral du système de santé. Il est le garant d’un égal accès aux soins, à toute heure et en tout point du territoire. Avec les autres acteurs du système de santé, il contribue à la prise en charge des patients dans le cadre de parcours adaptés à leurs besoins.

L’hôpital public est aussi et restera le lieu privilégié de la formation des professionnels de santé. L’augmentation du nombre de professionnels formés, nécessaire pour répondre aux besoins de la population dans les prochaines années, implique d’accueillir de plus en plus d’étudiants tout en veillant à leur offrir de bonnes conditions de stage.

Enfin je n’oublie pas la recherche et l’innovation. Les industries de santé sont un secteur d’avenir pour notre pays. Notre pays doit investir davantage dans la médecine personnalisée. De véritables révolutions sont devant nous (thérapies géniques, thérapies cellulaires, immunothérapies). Le haut niveau de formation de nos professionnels est un réel atout pour développer la recherche et l’innovation en France. Nous soutiendrons la recherche fondamentale, la recherche clinique et l’innovation, notamment en favorisant les rapprochements entre les hôpitaux et les industriels.

Les évolutions démographiques montrent que les besoins d’accompagnement du Grand Âge seront immenses à court et moyen terme. Quelle sera votre réponse à ce mur démographique ?

L’ensemble de la société doit s’adapter au vieillissement de la population. Je fixerai comme règle que toutes les politiques publiques - habitat, transports, lutte contre l’isolement, activités sportives et culturelles, participation citoyenne –, intègrent une dimension « bien vieillir » ainsi que la prévention de la perte d’autonomie.

Je créerai un service public d’accompagnement de la perte d’autonomie pour orienter et conseiller les familles dans chaque territoire. Je donnerai aussi un véritable contenu à la 5e branche de la sécurité sociale en demandant au parlement d’adopter une loi dépendance et autonomie ambitieuse.

L’APA à domicile sera revalorisée de 50%. Les EHPADs doivent être totalement repensés pour mieux accompagner des personnes de plus en plus dépendantes. Tous les EHPADs seront pourvus d’un poste infirmier de nuit. L’augmentation de leur financement permettra de créer 40 000 postes d’aides-soignants et infirmiers et de porter les ratios personnel/résident à 0,8 ETP ainsi que le demande la Défenseure des droits. Pour tenir cet objectif, je mettrai en œuvre un plan de formation et de recrutement pour les métiers du grand âge.

L’hôpital connaît une crise d’attractivité et manque de professionnels, médecins comme soignants. Comment répondre durablement à cet enjeu ?

La perte d’attractivité de l’hôpital résulte de nombreux facteurs, parmi lesquels la maîtrise comptable des dépenses de santé, qui a particulièrement affaibli l’hôpital, des organisations de travail qui ne se sont pas adaptées à certaines évolutions de la société, le vieillissement de la population qui augmente la charge de travail, ou encore la pénurie de professionnels dans l’ensemble du système de santé. Face à ces défis, nous adopterons une stratégie globale qui prendra les problèmes à la racine.

J’augmenterai les capacités de formation dans toutes les filières de santé. Nous formerons jusqu’à 15 000 nouveaux médecins par an. Le nombre de places dans les formations pour devenir infirmier et aide-soignant sera également augmenté. Je soutiendrai l’évolution des métiers et des compétences dans le champ de la santé pour permettre aux professionnels d’évoluer au cours de leur carrière, par exemple dans le cadre des pratiques avancées.

Restaurer l’attractivité de l’hôpital nécessite de poursuivre le mouvement de revalorisation des rémunérations des personnels, amorcé avec le Ségur de la santé, qui se révèle insuffisant, notamment au regard des contraintes spécifiques à l’hôpital public. Il faudra en particulier revaloriser le travail de nuit. Nous agirons aussi plus généralement pour améliorer les conditions d’embauche et de travail, par exemple en matière de logement, de modes de garde ou de transport. Nous soutiendrons pour cela le développement d’un véritable dialogue social au sein des hôpitaux.

Il faut enfin répondre à la perte de sens. Les personnels hospitaliers nous le disent : le décalage est grand entre leurs valeurs et la réalité du terrain. Nous tournerons la page de l’hôpital-entreprise pour redonner du sens au travail des soignants.

Les carences en matière de permanence des soins ambulatoires ou d’accès à un médecin libéral conduisent à un report de l’activité sur l’hôpital et accentuent les inégalités. Quelle(s) réponse(s) pour mieux organiser l’accès aux soins ?

Si la permanence des soins n’est plus garantie dans certains territoires, c’est d’abord parce qu’il n’y a plus suffisamment de médecins pour l’assurer. Le dispositif « Santé et territoires » que je propose a pour principal objectif de renforcer l’offre de soins dans les déserts médicaux, à partir des cabinets libéraux et des maisons et centres de santé.

Le dispositif vise à organiser l’accueil des étudiants dans les déserts médicaux, dès le début de leur formation, puis pendant l’internat pour toutes les spécialités d’exercice ambulatoire.

Concernant la médecine générale, la quatrième année d’internat prévue par le gouvernement sortant deviendra une véritable année de professionnalisation dans les déserts médicaux, avec un statut de médecin assistant permettant une rémunération à hauteur des responsabilités exercées, tout en gardant un encadrement par des médecins maîtres de stage. Ce sont 4 000 à 6 000 jeunes médecins supplémentaires qui seront ainsi déployés dans les territoires sous-dotés.

Les départements organiseront l’accueil de ces médecins en lien avec les universités. Ils auront notamment la responsabilité d’assurer leur logement et les moyens de leur mobilité, afin de les fidéliser en leur permettant de vivre dans le territoire et de se projeter ainsi dans une future installation. L’accompagnement à l’installation des professionnels par les départements sera un des axes du dispositif.

Suivant le modèle de l’exercice territorial des médecins hospitaliers, les médecins spécialistes libéraux seront incités financièrement à assurer des consultations avancées dans des lieux d’exercice (maisons de santé, cabinets de groupe…) situés dans des déserts médicaux.

Je soutiendrai enfin les organisations permettant que les médecins libéraux participent à la continuité et la permanence des soins et l’organisent en lien avec les secteurs hospitalier et médico-social. La mise en place des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) se poursuivra avec pour objectif de couvrir l’ensemble du territoire national.

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