Le Grand Oral de Yannick Jadot

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Gestion des préférences

Quelles seront vos priorités en matière de santé pour les 5 prochaines années ? Comment développer la prévention en santé ?

L’ensemble des politiques publiques que nous défendons font partie intégrante d’une vision globale de la santé qui vise à l’amélioration de la santé humaine et le respect du vivant et de la biosphère. Nous devons transformer radicalement les politiques publiques pour préserver la qualité de l'eau, des sols, de l'air, de l'alimentation, de la biodiversité et du climat, améliorer nos conditions de vie et renforcer notre résilience face aux crises. Notre ambition est de garantir à toutes et tous la pleine santé.

Nos priorités seront de réparer et démocratiser notre système de santé, notamment grâce à une réorganisation de la gouvernance, de redonner à l’hôpital public les moyens de sa mission en redéfinissant sa juste place dans le parcours de soin, et de développer une politique ambitieuse de santé environnementale. Après des années de pilotage par des indicateurs de rigueur budgétaire imposés par le haut, notre système de santé n'est plus aujourd’hui en capacité de répondre aux besoins de santé de la population, ni d’atteindre des objectifs ambitieux en termes de santé environnementale, de prévention et d’égalité dans l’accès aux soins. L’hôpital en particulier subit de plus en plus de pression, et joue trop souvent le rôle de recours médical de première intention.

Nous mènerons une politique volontariste de prévention et de gestion des risques liés aux expositions environnementales qui favorisent l’apparition des maladies chroniques et des cancers. En coordination avec les branches famille et maladie, et en partenariat avec les parents, nous préserverons les 1000 premiers jours de l’enfant des pollutions toxiques, de sa conception à ses 2 ans (consultations pré-conceptionnelles et pré-natales ; protection de la santé du foetus sur le lieu de travail de la mère, détection des troubles et pathologies d’origine environnementale dans les PMI).

De même, nous ferons de la lutte contre la pollution de l’air une priorité nationale dès 2022. Nous accélèrerons la révision des normes européennes en matière de qualité de l’air pour les aligner sur les seuils de l’OMS, afin d’élargir les polluants pris en compte, pour intégrer l’ensemble des phénomènes amenant à des surexpositions et traduire le droit à un environnement sain dans l’ensemble des directives et réglementations concernées. Nous faciliterons et inciterons les collectivités à développer des offres de voitures partagées, généraliserons l’utilisation de capteurs de CO2 et mettrons en place un diagnostic technique de qualité de l’air obligatoire pour les logements, comme pour le plomb et l’amiante. Nous développerons une approche globale pour lutter contre l’épidémie d’obésité qui touche 17% de la population française et dont la prévalence a doublé en 20 ans, en nous attaquant à ses facteurs sociaux et environnementaux. Maladie chronique à part entière, l’obésité sera reconnue comme une Affection de Longue Durée (ALD) par la sécurité sociale, ouvrant droit à un véritable parcours de soins qui incluera notamment des consultations de diététiciens et de psychologues 100% remboursés. Nous renforcerons l’information et la sensibilisation : mise en place de pictogrammes sur les objets du quotidien susceptibles de contenir des cancérigènes, des mutagènes, des reprotoxiques ou des perturbateurs endocriniens et mise en place de campagnes de communication spécifiques à la pathologie qui incluront la lutte contre la grossophobie.

En parallèle, nous serons ambitieux sur notre politique du sport, de lutte contre la pollution de l’eau et des sols et contre la prolifération du plastique, et adopterons de réelles politiques systémiques en matière d’agriculture et d’alimentation.

Quelle place doit avoir, selon vous, l’hôpital public dans le système de santé de demain ?

Pour garantir sa mission de service public et garantir des soins de qualité pour toutes et tous, l’hôpital doit être préservé d’une logique marchande et extrait de la course à la rentabilité à laquelle il est contraint par notre système de financement basé sur la tarification majoritaire à l’acte. Au-delà de la pression conjoncturelle liée à la pandémie, l’hôpital souffre d’une organisation interne peu démocratique et d’une organisation du système de santé qui est cloisonnée et qui provoque une prolifération des déserts médicaux. L’enjeu est donc de trouver un équilibre entre sa place prépondérante dans notre système de soins, et la nécessité de le sortir d’une logique du premier recours, qui se traduit par une saturation des urgences. C'est pourquoi nous avons conçu un Plan d’urgence pour l’hôpital :

  • Nous décrèterons une reprise de la dette des hôpitaux publics ;
  • Nous mettrons un terme à la politique de fermeture de lits et en ouvrirons là où cela est nécessaire notamment en pédiatrie et en psychiatrie - en fonction des besoins réels des populations locales ;
  • Nous veillerons à l’application de ratios normés du nombre de patient·e·s par soignant·e, avec l’objectif de garantir la sécurité et la qualité des soins et d’améliorer les conditions de travail des soignants ;
  • Nous renforcerons la démocratie sanitaire dans les hôpitaux. La gouvernance des hôpitaux intégrera les soignants toutes catégories confondues et les usagers. Celles et ceux qui « font » l’hôpital au quotidien seront pleinement associés aux décisions stratégiques et aux projets de soins. La direction des soins sera confiée à une personne élue par un collège représentatif des personnels soignants et des usagers ;
  • Nous recruterons massivement et nous rémunérons à la hauteur de la mission. Nous embaucherons 100 000 infirmières et infirmiers et veillerons à l’amélioration des conditions de travail des soignant·e·s et à la revalorisation de leurs salaires, pour garantir qu’ils se situent dans la moyenne de l’OCDE.
  • Nous referons de l’hôpital psychiatrique un lieu d’asile, en lui donnant les moyens d’une prise en charge humaniste et digne « qui prend le temps qu’il faut pour soigner » en augmentant notamment le nombre de lits et, en encadrant strictement par la loi les pratiques de contention et d’isolement. Nous réformerons le financement de la psychiatrie autour du principe de la dotation populationnelle afin de garantir l’égalité d’accès aux soins sur le territoire, et en refusant tout modèle inspiré de la T2A qui introduirait un financement à l’activité basé sur la pathologie.

La question de la place de l’hôpital dans le parcours de soin est primordiale. Pour reconnecter notre système de santé à la réalité des besoins, et donner à l’hôpital sa juste place dans le parcours des soins, nous proposons de créer des collectivités de santé dont le périmètre sera défini à l’échelle d’un “territoire de santé” (de 50 à 150 000 habitants) défini par son profil démographique : taille et densité, contraintes d’accès, habitat. Leur gouvernance sera démocratique : ces collectivités de santé territoriales seront composées de l’ensemble des professionnel·le·s de santé (hospitaliers et cliniques privées/publiques, médecins de ville, paramédicaux salarié·e·s publics/privés et libéraux, services et établissements de santé, des professionnel·le·s du secteur médico-social et membres actuels des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé) et d’une représentation renforcée des usagers et usagères. Elles seront chargées de définir, piloter et mettre en œuvre une offre de soins accessible et raisonnable à l’échelle du territoire : offre de soin primaire et hospitalière de qualité, prévention, suivi et accompagnement du parcours de santé, et permanence des soins. Cette coordination pluri-acteurs des parcours de soin allégera la pression sur les hôpitaux.

Nous procéderons également à une refonte du financement de notre système de santé, qui sera d’une part fondé sur les besoins populationnels exprimés au niveau du territoire et d’autre part sur une tarification à l’activité réservée aux seul actes techniques, programmables et standardisés, avec une nomenclature commune au privé et au public. Pour garantir à la population l’accès à des produits de santé adaptés et payés au prix juste, nous renforcerons le contrôle public sur notre industrie pharmaceutique par des exigences de transparence pour être en mesure de piloter une stratégie industrielle du médicament sur des bases éclairées.

Les évolutions démographiques montrent que les besoins d’accompagnement du Grand Âge seront immenses à court et moyen terme. Quelle sera votre réponse à ce mur démographique ?

Aujourd’hui notre pays compte 1,4 million de personnes âgées dépendantes et 4 millions de proches aidant·e·s, et près de la moitié des Français·es sont confrontés à la perte d’autonomie d’un·e proche. Le manque d’attractivité des métiers du secteur du grand âge et des services d’aide à domicile ou en institution demeure un facteur important des difficultés chroniques en matière de recrutement. Pour garantir l’accès à un accompagnement bienveillant, bientraitant et adapté aux besoins des personnes en perte d’autonomie, nous développerons les droits à la formation, au répit et à la retraite des proches aidant·es. Nous accompagnerons les départements, les communes et intercommunalités qui créeront des maisons des aidant·e·s. Nous revaloriserons les salaires, les diplômes et les parcours professionnels liés aux métiers de l’accompagnement à l’autonomie. Pour les personnels intervenant aux domiciles des personnes âgées seront instaurés le service à la tournée, le congé en cas de deuil d’un·e bénéficiaire, ainsi qu’une réunion de travail collectif mensuelle d’une durée d’au moins deux heures par intervenant·e. A l’instar des préconisations formulées par la défenseure des droits en 2021, nous veillerons à l’application d’un ratio minimal de 0,8 ETP de personnels par résident·e et à la revalorisation des carrières pour les personnels travaillant en Établissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD). Et nous y renforcerons les contrôles pour garantir des pratiques bien-traitantes.

L’hôpital connait une crise d’attractivité et manque de professionnels, médecins comme soignants. Comment répondre durablement à cet enjeu ?

Notre Plan pour l’hôpital prévoit des mesures d’urgence pour assurer des conditions de travail et un niveau de rémunération décents à l’ensemble du personnel soignant.
L’attractivité de ces métiers ne se fera cependant pas uniquement en renforçant les moyens financiers. Il faut changer durablement la perception, la culture du travail en hôpital. En un mot, redonner le sens de la mission à notre personnel : pouvoir (bien) soigner. Une combinaison de facteurs (ratios, rémunération, conditions de travail, management horizontal et démocratique) influence cette attractivité, et nos mesures adressent chacun d’entre eux.

Les carences en matière de permanence des soins ambulatoires ou d’accès à un médecin libéral conduisent à un report de l’activité sur l’hôpital et accentuent les inégalités. Quelle(s) réponse(s) pour mieux organiser l’accès aux soins ?

La lutte contre les déserts médicaux est une de nos priorités. Une commune sur trois se situe dans un désert médical. Cette fracture territoriale témoigne d’un manquement de
l’Etat envers des français·es toujours plus nombreux·ses, l’accès aux soins étant un droit pour tou·te·s.
La seule hausse du numerus clausus ne réglera pas notre problème s’il n’y a pas de mesures pour rééquilibrer l’offre de soin territorialement. Nous proposons le
conventionnement sélectif pour limiter les nouvelles installations dans les zones déjà bien pourvues en médecins : un médecin ne pourra s’y installer en étant conventionné que
lorsqu’un médecin libéral du territoire cessera son activité. En complément, nous mettrons en place de façon temporaire et transitoire une obligation d’effectuer la dernière année
d’internat et les deux premières années d’exercice dans les territoires en manque de médecins, et nous accompagnerons cette mesure en favorisant l’installation des médecins et
de leur famille. Nous favoriserons de nouvelles modalités d’exercice, sous une forme salariée dans les maisons de santé, prise en charge par l’hôpital du territoire.

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