Le Grand Oral de Valérie Pécresse

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Quelles seront vos priorités en matière de santé pour les 5 prochaines années ? Comment développer la prévention en santé ?

Le système de santé en France est confronté à plusieurs crises majeures : efficacité,
reconnaissance, moyens et souveraineté.
Ma priorité sera donc de conduire une politique de santé globale, en transformant en profondeur la
logique du système de santé. Celui-ci doit être non plus structuré autour de l’offre de soins, mais
autour de la demande de santé des Français. Cette refondation ne pourra s’appuyer que sur le
développement de la démocratie en santé, la territorialisation du système et la confiance aux
acteurs de proximité. Elle implique également une revalorisation des métiers et des carrières du
soin pour leur redonner du sens, ainsi qu’une politique d’investissements stratégiques afin
d’améliorer les conditions de travail, soutenir la digitalisation de nos organisations mais aussi
favoriser l’industrie et l’innovation en santé.

La prévention doit spécifiquement être développée dans le cadre de la politique de santé globale
que je souhaite mener, et qui se traduira par le fait que la santé sera désormais portée par toutes
les politiques publiques (éducation, environnement, logement, transports, etc.). A cet égard, je
souhaite doubler les moyens consacrés à la prévention dans le cadre d’une mobilisation de tous
les acteurs concernés, Etat, collectivités locales et complémentaires. Au-delà, je souhaite engager
une révolution dans la mise en œuvre de la politique de prévention en la confiant aux départements,
avec l’appui des Régions et des Maires, dans le cadre de la territorialisation du système de santé
que je souhaite concrétiser. Dans les faits, si l’Etat conservera naturellement la mission essentielle
de définir le cap et la stratégie de prévention, sa mise en œuvre sera engagée au plus près du
terrain, seule manière selon moi de transformer l’aménagement des villes, de développer la
pratique sportive, de conduire des actions de prévention au plus près de la population. En la
matière, nous devons tirer les leçons de la crise pandémique qui a confirmé que c’est au niveau
local que la prévention peut être conduite le plus efficacement. J’observe enfin que les pays
étrangers les plus efficaces en matière de prévention, qu’il s’agisse de l’Espagne, du Danemark ou
même de l’Allemagne, ont tous choisi d’emprunter cette voie de la proximité et de la
décentralisation.

Je souhaite aller plus loin et faire de l’école et de l’entreprise les premiers lieux de prévention. Je
souhaite encourager les chefs d’entreprise à s’engager pour la santé de leurs collaborateurs, à
innover pour accompagner la prévention du burnout ou l’accompagnement de l’aidance. Nous
pouvons demain faire de la santé un véritable enjeu de dialogue social et d’innovation.

En outre, la révolution que je souhaite en faveur de la prévention nécessitera de confier de
nouvelles responsabilités aux professionnels de santé, qu’il s’agisse des infirmiers ou des
pharmaciens par exemple. Ces derniers ont un rôle essentiel à jouer pour la santé publique en
réalisant davantage de vaccinations ou de dépistage. Les expérimentations menées ces dernières
années sont toutes concluantes, il n’y a plus de temps à perdre ! (par ex. pharmaciens et
infirmiers), pour renforcer le dépistage ou le suivi des maladies chroniques.

Enfin, je suis convaincue que l’hôpital a un rôle important à jouer dans la prévention, dans le cadre
de sa responsabilité populationnelle pour laquelle je connais l’engagement de votre Fédération. Ce
rôle reste doit néanmoins être défini finement pour être le plus pertinent possible.

Quelle place doit avoir, selon vous, l’hôpital public dans le système de santé de demain ?

Dans la politique que je souhaite mener, l’hôpital public sera renforcé avec des investissements de
fond. Il faut en particulier améliorer, quantitativement et qualitativement, les systèmes numériques
à disposition des soignants et je constate malheureusement que nous ne sommes pas encore au
niveau du virage numérique et de la « transition data » dont notre système a besoin. Cela les
libèrera d’un trop-plein d’activités administratives et leur permettra de passer plus de temps auprès
des patients. Au-delà du virage numérique, ces investissements devront aussi viser à améliorer les
conditions de travail des soignants.

La territorialisation de la politique de santé que je souhaite accélérer et accentuer conduira les
hôpitaux publics à assumer pleinement leur responsabilité territoriale et populationnelle. Acteurs
centraux de l’accès aux soins, les hôpitaux travailleront dans un écosystème territorial dans lequel,
indépendamment du statut, toutes les ressources du système de santé seront mobilisées avec
comme double objectif d’améliorer significativement la réponse de santé apportée aux Français,
notamment les plus fragiles, et d’améliorer la qualité de vie des Français.

Je souhaite ici insister sur le rôle important que doivent pour moi jouer les CHU dans l’animation
et la coordination de l’offre de soins sur le territoire où ils sont implantés. En matière de recherche,
de formation et d’innovation, je souhaite également que ces établissements s’inscrivent toujours
plus dans une dimension territoriale permettant de faire rayonner ces missions sur tout le territoire.
Cette évolution se fera dans le cadre de la territorialisation du système de santé. La décentralisation
du pilotage du système de santé que je souhaite engager verra la présidence des ARS confiée aux
présidents de région pour adapter les besoins aux territoires et renforcer la prévention en matière
de santé.

Pour ce qui concerne enfin le financement de l’hôpital, la tarification à l’activité me semble être un
système certes perfectible mais je n’oublie pas qu’il a permis de moderniser nos hôpitaux, de
médicaliser son pilotage et de donner un véritable élan aux activités hospitalières. Je proposerai
donc de poursuivre l’évolution de la T2A pour mieux prendre en compte la qualité des soins et
valoriser davantage les missions de santé publique réalisées pour la population (prévention,
mission territoriales, prise en compte de l’accès aux soins des personnes en situation de handicap,
etc).

Les évolutions démographiques montrent que les besoins d’accompagnement du Grand Âge seront immenses à court et moyen terme. Quelle sera votre réponse à ce mur démographique ?

Je réponds tout d’abord « Prévention » et « Recherche de la vie en bonne santé ». La politique de
santé globale de prévention que je souhaite déployer permettra progressivement de réduire les
besoins de soins lourds pour les personnes âgées.

Au-delà, il est grand temps de prendre toute la mesure de la société de la longévité et de voter dès
le début du nouveau mandat présidentiel une loi consacrée au grand âge et à la perte d’autonomie.
C’est une exigence de justice et de dignité qui nous engage.

Il faut lutter contre toutes les formes d’âgisme et adapter les différentes politiques publiques aux
spécificités, aux attentes, aux rôles et aux contraintes du grand âge (logement, urbanisme,
accessibilité, culture, santé, emploi, bénévolat...).

Nous devons aussi humaniser tous les établissements d’hébergement pour les transformer en de
véritables domiciles pour leurs résidents, avec tout ce qui est indispensable à une bonne qualité
de vie : des surfaces suffisantes, l’accès à des espaces verts ou végétalisés... etc.. Il faut aussi
mieux associer les personnes hébergées en EHPAD à l’organisation et au fonctionnement de
l’établissement dans lequel elles sont hébergées. Je veux également garantir une transparence
complète au service de la qualité de service et de la bientraitance des résidents partout sur le
territoire. Cela suppose de clarifier la gouvernance et les dispositifs de contrôle du secteur et de
rendre publics des référentiels de qualité, dans chacun des domaines du médico-social. Et il faut
aussi tout faire pour maintenir à domicile toutes les personnes âgées en perte d’autonomie qui le
souhaitent, tout en aidant leurs proches. Il sera vital, de ce point de vue, de développer des
structures intermédiaires pour mieux répondre aux aspirations des personnes âgées.

Dans les établissements, le renforcement de la présence soignante et médicale auprès des
résidents sera une priorité. Cela nécessitera de nouveaux engagements financiers pour ce secteur
que la réforme des retraites permettra de tenir. Enfin, il est indispensable de revaloriser profondeur
les métiers et carrières ainsi que les formations liées au grand âge et d’améliorer leur attractivité.
Compte tenu de l’explosion des besoins de recrutement dans le secteur du grand âge, il faut ouvrir
de nouvelles places de formation et élargir les viviers de recrutement, par exemple en permettant
l’accès à la profession d’infirmier par la VAE, ou encore en établissant des passerelles vers les
IFSI au profit d’aides-soignants expérimentés.

L’hôpital connait une crise d’attractivité et manque de professionnels, médecins comme soignants. Comment répondre durablement à cet enjeu ?

Je souhaite faire souffler sur l’hôpital un vent de liberté et de confiance en donnant plus de
responsabilités aux soignants grâce à de puissantes délégations de gestion et par un
rapprochement des prises de décisions au plus près du terrain. Je souhaite ainsi que les
établissements de santé puissent s’organiser plus librement et que les chefs de service occupent
à l’avenir un rôle clé pour animer en proximité les équipes. Les nombreuses rencontres avec le
personnel hospitalier et mon expérience acquise comme Présidente de Région m’ont permis de
réaliser à quel point l’hôpital et ses personnels sont victimes de la pluie de normes et de textes en
tous genres qui s’abat sur eux et sur les établissements. Je souhaite lutter contre ce fléau qui
entrave et empêche tant d’initiatives en offrant à l’hôpital public une autonomie renforcée. Dans le
cadre de la territorialisation du système de santé, une plus grande autonomie sera donc donnée
aux hôpitaux, découlant de celle donnée aux régions qui superviseront les ARS. Tout doit être fait
pour donner aux hôpitaux de nouvelles marges de manœuvres en matière d’achat, de politique RH
ou encore de dialogue social. C’est en leur donnant plus de liberté que les hôpitaux sauront
engager les évolutions organisationnelles leur permettant de gagner plus du temps au bénéfice de
tous, patients comme soignants.

La revalorisation des perspectives de carrière des personnes hospitaliers sera un enjeu central des
cinq prochaines années car je constate malheureusement que le Ségur de la santé a certes permis
d’engager une lente amélioration des rémunérations mais qu’il a oublié l’essentiel : la
reconnaissance des professionnels, le sens de leur action, le respect qui leur est donné. Je me
battrai pour une société de la mobilité et de l’ascension sociale permettant de donner de meilleures
perspectives de carrière aux soignants. Je souhaite ainsi leur offrir la possibilité de progresser au
sein même de leur service et de davantage prendre en compte les expériences de chacun dans la
progression de carrière tout comme dans l’exercice de nouvelles responsabilités.

Notre système hospitalier a besoin de plus de monde sur le terrain et auprès des patients. Je
souhaite donc recruter 25 000 postes de soignants à l’hôpital et engager un « choc » de formation
qui permettra de former plus de soignants et de médecins et de ne plus nous enfermer dans des
logiques de quotas d’un autre âge. La formation doit mieux prendre en compte les compétences et
l’expérience de chacun et les passerelles entre les métiers, les secteurs et les formations
être encouragées et facilitées.

Pour autant, je n’ignore pas le fait que c’est l’attractivité et la fidélisation des personnels qui est
l’enjeu central et c’est pour cela que je souhaite investir prioritairement dans l’amélioration des
conditions de travail et que j’engagerai un pacte de fidélisation avec les collectivités territoriales
par lequel des solutions en matière de logement, de garde d’enfant, de transport ou encore de
sécurité seront proposés aux soignants. La décentralisation du pilotage du système de santé
s’inscrit dans cette perspective et me semble la seule voie qui permettra de changer la donne et
d’offrir aux soignants toute la considération qui leur revient.

Les carences en matière de permanence des soins ambulatoires ou d’accès à un médecin libéral conduisent à un report de l’activité sur l’hôpital et accentuent les inégalités. Quelle(s) réponse(s) pour mieux organiser l’accès aux soins ?

Le quinquennat qui s’achève laisse un bilan lourd en matière d’accès aux soins avec 2 500
généralistes perdus en 5 ans, 5 millions de Français aujourd’hui sans médecin traitant et près de
6 français sur 10 ayant déjà dû renoncer à des soins.

Je souhaite changer la donne et prendre à bras le corps la question de l’accès aux soins en
engageant le programme « Zéro Déserts de santé : moins de délais, moins de trajets ». Ce
programme a deux objectifs : 1) Offrir à chaque Français une réponse en matière de santé à moins
de 30 minutes de son domicile et 2) Diviser par deux, à horizon cinq ans, le délai moyen d’attente
pour une consultation (généraliste ou spécialisée).

La désertification en santé étant un sujet de forte complexité, seule la combinaison de plusieurs
mesures permettra d’obtenir un effet rapide et tangible pour la population. Ainsi, dès le printemps
2022, chaque Région lancera une alliance des professionnels de santé : tous les professionnels
de santé des territoires, quel que soit leur statut, seront réunis par la Région, les départements et
l’ARS et des objectifs précis et chiffrés leur seront demandés en termes de réduction des délais
d’attente, de permanence des soins et d’accès aux soins des plus fragiles et des personnes en
situation de handicap. Les acteurs auront alors 6 mois pour définir eux-mêmes les organisations
pour atteindre ces objectifs. L’allocation des moyens, les autorisations et les investissements
seront conditionnés au respect des engagements contractuels par les acteurs, replaçant l’Etat dans
son rôle de régulation et d’évaluation et non d’acteur pensant à la place des professionnels. Bien
entendu, les patients seront très étroitement associés à l’alliance des professionnels de santé, dans
une logique de renouvellement de la démocratie sanitaire. Ce sont eux qui définiront la demande
en santé et ce sont eux qui évalueront les organisations mises en place, l’amélioration de l’accès
aux soins et la qualité des soins délivrée.

Parallèlement, je souhaite investir en faveur des soins de ville, notamment en revalorisant de 25 à
30€ le tarif de la consultation chez le généraliste et en revalorisant la médecine de spécialité dont
les actes techniques n’ont pas été revus depuis 15 ans. Dans le même mouvement, j’engagerai
une révision des conventions et de la rémunération de l’ensemble des autres professionnels de
santé, afin de mieux prendre en compte et valoriser l’étendue de leurs missions. Enfin, je considère
que la permanence des soins et le travail de nuit doivent être mieux rémunérés et je donnerai des
orientations précises en son sens à mon gouvernement.

Dans cette nouvelle donne, je souhaite également conforter le rôle et la place des hôpitaux de
proximité, en particulier en zone rurale. Pour cela, il sera nécessaire d’adapter leur mode de
financement pour tenir compte de la spécificité de leurs missions, de renforcer les liens avec les
soins de ville et de réfléchir à de nouveaux modes d’exercice permettant plus facilement aux
médecins généralistes et spécialistes de combiner un temps hospitalier et libéral.

Le choc de formation que j’appelle de mes vœux permettra de nourrir cette politique de lutte contre
la désertification en santé. Ainsi, j’alignerai la formation des médecins généralistes sur celle des
autres spécialités en créant une 4ème année de formation et des « docteurs juniors de médecine
générale ». Cette année de formation supplémentaire, qui permettra notamment d’apprendre
l’exercice de la permanence des soins, se réalisera de manière prioritaire dans les zones en tension
et sera accompagnée par un investissement en faveur des maîtres de stage pour permettre un
accompagnement pédagogique de qualité tandis que les collectivités locales agiront pour proposer
aux jeunes docteurs juniors hébergement et transport.

Pour mieux répondre à la demande de santé des Français, je veux également que soit généralisée,
pour chaque métier, une approche par les compétences plutôt que par les statuts qui enferment
chacun et limitent les coopérations professionnelles. Les coopérations et délégations de
compétences ne doivent plus être un sujet tabou ! Cela veut dire, par exemple, de confier le suivi
de certaines maladies chroniques aux infirmiers ou aux pharmaciens et de permettre enfin un accès
direct aux infirmiers de pratique avancée. Nous avons pris trop de retard en la matière et l'heure
est venue d'utiliser pleinement toutes les ressources et l'énergie de chacun plutôt que de construire
à longueur de journée des normes qui entravent et cloisonnent.

Enfin, je crois que l’amélioration de la permanence des soins doit aussi passer par une utilisation
plus forte de toutes les potentialités du numérique. Par exemple, des équipes paramédicales
mobiles de télémédecine seront créées, dont la mission sera d’effectuer des visites à domicile en
lien avec une plateforme de télémédecine permettant d’effectuer un débrouillage sous supervision
médicale, de rassurer et d’orienter les patients le cas échéant. Ces équipes accueilleront de
manière préférentielle des Infirmiers de Pratiques Avancée.

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