1 - Une loi de programmation, pour quels objectifs ?

L’objet de la loi de programmation n’est en aucun cas de prévoir par facilité une croissance insoutenable de la dépense en santé, mais de dépenser mieux. En tendance, les dépenses de santé augmentent plus vite que la richesse nationale, en raison de l’évolution démographique mais aussi et surtout en raison de la non-maitrise des pathologies chroniques.

De ce point de vue, la situation de la France est peu enviable avec une espérance de vie en bonne santé inférieure de 5 à 7 ans par rapport à la Scandinavie ou les pays d’Europe du Sud. Pour remédier à cette situation, il apparait nécessaire de sortir d’une régulation comptable de l’ONDAM et d’orienter notre système de santé solidaire vers une politique systématique de prévention et de santé publique.

La loi de programmation vise plusieurs objectifs et en particulier : 

  • fixer les objectifs de la politique de santé et les transformations à réaliser (organisation du système de santé, modes de financement) sur une période de 5 ans ; 
  • déterminer les moyens humains et financiers permettant d’atteindre les objectifs posés ;
  • définir les modalités de concertation, d’évaluation et d’ajustement des objectifs et les moyens d’identifier des priorités transversales à l’ensemble de la santé ;
  • chaque loi concernant la santé qui entrerait en vigueur au cours de cette période, et en particulier la Loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), en serait la déclinaison.

La loi de programmation devrait être votée en amont de la prochaine Loi de programmation des finances publiques pour être pleinement prise en compte.

2 - Une loi de programmation portant un taux d'évolution minimum des financements

L’atteinte des objectifs et priorités de santé publique fixés pour 5 ans nécessite de fixer un cadre financier pluriannuel sécurisant, des ajustements étant prévus annuellement afin d’adapter les cibles financières aux évolutions.

La loi de programmation devrait ainsi prévoir :

  • un taux plancher d’évolution de l’ONDAM qui ne peut être inférieur à +2,4% sur les 5 prochaines années, ajusté en fonction de l’inflation. L’évolution des financements des établissements publics de santé ne pourrait être inférieure à celle de l’ONDAM global, afin d’éviter comme par le passé d’en faire la variable d’économies de l’ONDAM global ;
  • un taux d’accompagnement progressif des mesures relatives aux ressources humaines du Ségur de la Santé, et notamment la refonte des grilles de la fonction publique ; 
  • la fixation, au sein de l’ONDAM Établissements de santé, d’une part minimale devant être consacrée à l’investissement, qu’il soit immobilier, mobilier ou immatériel, cette part ne pouvant être inférieure à 7% ; 
  • la sécurisation des enveloppes fléchées, allouées au financement de la recherche clinique et de l’innovation, avec un taux d’évolution indexé sur celui de l’ONDAM établissements de santé ;
  • une mise de fonds initiale permettant l’engagement d’une politique ambitieuse de prévention, ainsi que le financement et la rémunération des acteurs de santé engageant ou développant des actions de prévention. Au-delà de cette amorce indispensable, les actions de pertinence des soins et des actes permettront le financement pérenne de la prévention.

3 - Une loi de programmation portant des objectifs médicalisés

La loi de programmation devrait tenir compte des déterminants de la croissance des dépenses de santé. Ainsi, la loi prévoirait les conditions de révision de ses équilibres, au-delà des taux planchers, par :

  • une analyse des évolutions démographiques et épidémiologiques à prévoir sur le long terme, des inégalités de santé, du niveau de vie et de l’inflation anticipée. Elle intégrerait également les évolutions des technologies médicales et des modes de prises en charge ;
  • cette analyse s’appuierait ainsi sur un réseau d’institutions, d’experts médicaux, de représentants d’usagers et de scientifiques qui pourraient déterminer les projections à court et long terme en matière d’évolutions épidémiologiques et de progrès médicaux sur les principales pathologies.

La loi devra par ailleurs définir le niveau de ressources nécessaire à l’atteinte de ces objectifs en documentant les effets économiques des objectifs posés.

4 - Une loi de programmation déterminant les règles en matière de financement des acteurs de santé

En premier lieu, une étude fine des conséquences pour les acteurs de santé (investissement et recherche en particulier) du niveau de financement fixé par la Nation dans les LFSS devrait être systématisée. Dans une logique de confiance, elle devrait être construite avec les acteurs concernés.

En second lieu, la loi de programmation devrait engager l’ensemble des acteurs (Gouvernement, Parlement, collectivités, usagers, acteurs de santé) à transformer d’ici à 5 ans les modes de financement pour intégrer pleinement les enjeux de prévention et de pertinence des soins dans les modes de rémunération et de financement de tous les acteurs, pour deux raisons :

  • d’abord, la crise sanitaire et les données sur la santé des Français indiquent un défaut majeur en termes de prévention dans les déclinaisons des politiques de santé (espérance de vie en bonne santé inférieure à celles de pays voisins). Les variations de pratiques médicales entre les territoires et la redondance de certains actes posent également le problème de la pertinence des actes concernés ;
  • ensuite, prévention et pertinence sont les deux principaux leviers pour mieux financer la santé dans un contexte de contraintes importantes sur les finances publiques. Il s’agit de réallouer les ressources pour davantage d’efficacité. L’Assurance maladie estime ainsi que 30% des dépenses de santé relèvent de dépenses non pertinentes ou de non qualité, ce qui ne peut pas perdurer.

5 - Une loi de programmation posant comme priorités de réformer l'accès à la santé pour tous et la gouvernance du système de santé, en promouvant la démocratie sanitaire

Au-delà du financement, la loi de programmation doit définir une méthode et des objectifs crédibles et partagés en réponse aux principaux défis contemporains du système de santé :

  • renforcer l’accès aux soins et réduire les inégalités en santé : l’extension des déserts médicaux et les carences de permanence des soins dans de nombreux territoires sont des enjeux essentiels pour la population, qui affectent par ailleurs l’hôpital (explosion du nombre de passages aux urgences). De façon concrète, il s’agira de fixer comme objectif de répondre pleinement à la permanence des soins, en ambulatoire comme en établissement, mais aussi de réduire les déserts médicaux ;
  • revoir le fonctionnement de l’Assurance maladie obligatoire et son articulation avec les assurances complémentaires : le système actuel, fondé en 1945, a été réformé à de nombreuses reprises, posant la question de la répartition des missions de chaque acteur, et des coûts de gestion substantiels;
  • refonder la gouvernance du système de santé, qui manque d’unité et de cohérence : la multitude de centres de décisions (agences, directions ministérielles, autorités, etc.) a montré ses limites pendant la crise sanitaire. D’autre part, l’échelon territorial doit être réformé pour favoriser la proximité de la définition et de la mise en œuvre des politiques de santé, en associant davantage les acteurs du territoire et en leur conférant un pouvoir de contractualisation et de financement ;
  • prévoir et organiser la transition écologique du système de santé ;
  • les orientations concrètes pourraient notamment conduire à réviser le cadre de la démocratie sanitaire et à simplifier le millefeuille territorial sanitaire, en : 

-> créant en 2023 deux vrais étages de démocratie sanitaire :

  • à l’échelle des territoires de démocratie sanitaire : le conseil territorial de santé, composé des élus du territoire, des usagers, des offreurs de soins hospitaliers, médico-sociaux et libéraux, et dont l’aire géographique est revue, arrête un projet territorial de santé, dont les objectifs sont contractualisés et financés par l’ARS et la CPAM au regard d’indicateurs de santé publique à atteindre ;
  • à l’échelle régionale : le conseil d’administration de l’ARS fixe les orientations régionales.

-> déconcentrant dans le même temps, le fonctionnement des ARS, dont le périmètre géographique suppose aujourd’hui d’attribuer aux délégués territoriaux une vraie délégation de pouvoir sous le pilotage du directeur général de l'ARS.

6 - Objectifs en matière de ressources humaines

Les ressources humaines en santé constituent un enjeu majeur du système de santé tant sous l’angle démographique (effectifs et répartition) que qualitatif (compétences, missions, statuts, modalités d’exercice, parcours professionnels,seconde partie de carrière…). Si elles revêtent en effet une dimension stratégique en cas de crise sanitaire, la capacité du système de santé à s’appuyer sur des professionnels qualifiés et suffisamment nombreux est également un défi du quotidien pour prendre en charge les patients dans un contexte de forte hausse de la demande en soins, de forte innovation médicale et d’évolution continue des pratiques de soins.

La programmation des ressources humaines en santé doit ainsi intégrer :

  • les objectifs fixés en termes d’offre de soins et leurs conséquences en termes de prospectives démographiques, y compris de nouveaux métiers, de formation initiale et de dimensionnement de l’appareil de formation, de mobilité et de départs en retraite (en tenant compte de la pénibilité des métiers de la santé) ;
  • les modalités et niveaux de rémunération ;
  • l’évolution des compétences et ses conséquences en termes de besoins en formation continue ;
  • les sujétions propres aux missions de service public et notamment la permanence des soins hospitalière.

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