La formation des professionnels de santé au sens large aux spécificités des personnes vivant avec un handicap est une proposition socle, un pré-requis à l’ensemble des propositions qui suivent.
L’initiative de l’Université de Reims mérite d’être citée car elle propose un stage de sensibilisation d’une semaine aux étudiants en 2ème année de médecine. De telles initiatives doivent être encouragées et généralisées.
Tout d’abord, il convient d’accorder plus de temps aux professionnels pour prendre en charge les personnes vivant avec un handicap.
À ce titre, il est nécessaire d’adapter le financement / la tarification actuelle relative aux soins, afin de tenir compte de la situation spécifique des patients en situation de handicap et du temps qu’il est nécessaire de leur accorder pour assurer la réussite des soins.
De même, en matière de prévention/dépistage, une majoration des interventions auprès des établissements et services médico-sociaux (ESMS) accueillant des enfants ou des adultes handicapés est à prévoir, afin de prendre en compte le temps de déplacement du professionnel de santé, mais aussi le temps passé auprès des usagers. Ces coûts ne seront pas plus importants que des soins prodigués en urgence, nécessitant un transport adapté et plusieurs consultations en établissement de santé.
Il convient donc de prévoir une surcote pour les consultations des personnes en situation de handicap.
Par ailleurs, les moyens à disposition des professionnels concernent également les outils à développer / soutenir / systématiser pour faciliter la compréhension par le patient de son parcours de soins.
L’une des recommandations du guide élaboré par la Haute autorité de santé (HAS) en 2018, relatif à « l’accueil, l’accompagnement et l’organisation des soins en établissement de santé pour les personnes en situation de handicap », porte sur l’identification de référents ou d’équipe dédiée au handicap. Ces « personnes ressource », qui ont une compétence spécifique relative au handicap (comme par exemple des soignants formés à ce rôle), peuvent accueillir les patients et les accompagner à chaque étape de leur parcours de soin. Elles viennent également en appui des autres professionnels de santé.
L’article 43 de la loi du 26 Avril 2021, visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, prévoit que chaque établissement de santé nomme un référent handicap, dont les missions et le cadre d’intervention seront définis dans un décret d’application à venir prochainement.
À ce jour, ces référents ne sont pas présents partout et il serait très utile de pouvoir compter sur leur expertise au sein des établissements dans un délai rapproché, y compris en les mutualisant entre plusieurs établissements de proximité. De façon très concrète, ils doivent être financés par des dotations finançant les missions d’intérêt général (MIG).
Comme l’explique Isabelle Monnier, infirmière et référente handicap depuis 2015 à l’AP-HM, « le patient handicapé nécessite une prise en charge différente, adaptée et spécialisée, qui intègre la place des aidants dans les soins ».
Comme il n’est pas toujours simple de se rendre seul dans un lieu de soins, il est important de faciliter la présence d’un aidant ou d’un accompagnant auprès des personnes vivant avec un handicap. Gage de réassurance pour l’usager lui-même, mais aussi d’un appui en cas de besoin, cet accompagnant contribue pleinement à la réussite du soin.
L’expérience du patient doit permettre aux soignants d'anticiper les difficultés des personnes en situation de handicap et de mettre en œuvre des solutions simples pour compenser leurs difficultés.
Alors que l’expérience des personnes malades est de plus en plus reconnue comme une expertise qui mérite d’être capitalisée, et que les universités s’emploient à les professionnaliser grâce à des formations de patients experts, cette expérience à l’échelle individuelle semble encore insuffisamment prise en compte.
Les professionnels de santé doivent, dans la mesure du possible, s’assurer de la bonne compréhension des informations en santé par les personnes en situation de handicap qu’ils rencontrent. Cela contribue à la démarche d’autodétermination en santé de ces usagers et à leur participation effective aux soins.
Dans ce cadre, la prise en compte de la douleur, qui reste une problématique forte pour les personnes vivant avec un handicap, devrait prendre une importance toute particulière dans la recherche des soins les plus adaptés.
Cette mesure est conditionnée à la réalisation de la formation/sensibilisation sur le handicap des professionnels de santé, et constitue certainement un pré-requis au développement de toutes les actions de promotion de la santé.
Les rapports publiés sur l’accès aux soins des personnes en situation de handicap confirment les difficultés rencontrées, et notamment le besoin de renforcer trois thématiques de soins de premier recours identifiées comme prioritaires : l’accès aux soins somatiques, aux soins bucco-dentaires et aux soins gynécologiques pour les femmes handicapées.
Les dispositifs de consultations dédiés aux personnes en situation de handicap permettent l’accès à des consultations médicales générales ou spécialisées au sein d’un établissement de santé ou d’une maison de santé, avec un accompagnement spécifique adapté. Ces dispositifs constituent une offre complémentaire à l’offre de soins existante en ville et dans les établissements spécialisés, et n’ont pas vocation à se substituer à eux, comme nous le rappelle l’instruction DGOS du 20 octobre 2015 relative à la mise en place de dispositifs de consultations dédiées pour personnes en situation de handicap.
Pour autant, force est de constater que le droit commun ne suffit pas à assurer l’accès aux soins de tous dans des conditions adaptées. Un recensement précis des consultations existantes a été engagé à l’automne 2021 par les agences régionales de santé (Instruction DGOS du 17 juin 2021 relative au déploiement des consultations dédiées pour les personnes en situation de handicap), qui fera l’objet d’une consolidation nationale d’ici peu.
Aussi, le déploiement des dispositifs de consultations dédiés en soins somatiques et en soins spécialisés (bucco-dentaires, gynécologie, …) est devenu une urgence pour garantir des soins dans un environnement adapté. Le centre de santé Val’Consult dans le Val-de-Marne ou le pôle CRISTALES de l’établissement public de santé de Ville Evrard sont des exemples de dispositifs à développer largement sur les territoires.
C’est pourquoi, d’ici 2023, les personnes en situation de handicap devront pouvoir accéder à de telles consultations en soins somatiques sur chacun des départements.
La création de places en établissements et services médico-sociaux (ESMS) ne semble pas avoir été pensée dès le départ dans une logique d’égalité d’accès pour tous sur l’ensemble du territoire national. Il en résulte une surreprésentation des établissements en zones rurales, posant la problématique de la liberté de choix du lieu de vie des personnes, de l’éloignement géographique des familles, de l’accès à la palette de dispositifs adaptés aux besoins de chacun, etc.
Par ailleurs, d’importantes inégalités d’équipements entre établissements, nécessaires aux soins et à l’accompagnement des personnes en situation de handicap, sont relevées. Ainsi, les taux d’équipements en établissements pour enfants handicapés constatés en 2020 (données CNSA du 2 décembre 2021) vont de 2‰ en Guyane à 9‰ en Normandie et en Bourgogne-Franche-Comté, en passant par 5‰ en Corse et en Ile-de-France, soit un facteur multiplicateur de 1,8. Et les écarts d’équipements en services pour les enfants handicapés sont plus importants encore, avec un écart allant de 1 en Ile-de-France à 2,3 en Guadeloupe.
Le constat est le même en matière d’équipements médico-sociaux pour les adultes handicapés : les taux en établissements vont de 2‰ à 7‰ (en Normandie, Bourgogne-Franche-Comté, Nouvelle Aquitaine, …). Ils se creusent davantage en matière de services, avec des taux allant de 0,2‰ (en Ile-de-France) à 1,1‰ (en Corse).
Une analyse par département, que pourrait fournir la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), ferait probablement apparaitre des écarts encore bien supérieurs. En effet, depuis 2013, les écarts d’équipements entre départements en matière d’offre pour les adultes handicapés stagnent, et augmentent même du côté des enfants handicapés.
C’est pourquoi, il convient de poser dans la loi une date butoir pour réduire significativement ces inégalités d’équipements entre établissements.
Le passage aux urgences, dès lors qu’il est évitable, doit laisser place à une autre solution. A cette fin, les usagers doivent pouvoir compter sur l’intervention en amont de professionnels en tous points du territoire, via des équipes mobiles ou des urgences mobiles.
Il s’agit d’exporter les compétences des professionnels de santé sur les lieux de vie des personnes, qu’elles soient à domicile ou en établissement d’hébergement, de manière à éviter une aggravation de l’état de santé des usagers et ainsi des hospitalisations.
À ce titre, le développement de l’hospitalisation à domicile (HAD) est également de nature à accompagner les personnes en situation de handicap, à domicile ou en établissement d’hébergement, et éviter ainsi des déplacements en milieu hospitalier.
Une palette de mesures peut également être développée pour améliorer les orientations post et péri-urgences, afin d’éviter les attentes trop longues et enclencher le plus rapidement possible l’orientation vers le professionnel et les soins adéquats.
En cas d’épisode de soins aigus, les professionnels hospitaliers doivent pouvoir avoir recours à une expertise sur le handicap de la personne qu’ils prennent en charge. Comme il apparait difficile que chaque établissement de santé soit doté de l’ensemble des compétences nécessaires et mobilisables 24h/24, une organisation spécifique doit être pensée.
La FHF propose d’instaurer un système d’astreinte rémunérée, où des experts et des centres de recours spécialisés sur un type de handicap puissent être mobilisés par téléphone ou via des actes de télémédecine, afin d’apporter leur concours aux prises en charge en urgence de personnes vivant avec un handicap.
La pandémie de Covid-19 a montré plus que jamais l’importance de pouvoir accéder à de l’expertise à distance, via la télémédecine (téléconsultations, télé expertise…), de manière à assurer l’égalité d’accès aux soins. L’usage de la télémédecine doit donc être pensé comme un outil du quotidien, intégré dans les pratiques professionnelles et valorisé parmi l’ensemble des services rendus en santé.
Par ailleurs, les professionnels ont besoin de disposer d’outils d’accompagnement aux soins des personnes en situation de handicap.
Les personnes en situation de handicap ont également besoin d’accéder facilement à l’information en matière de soins ou de prévention (via l’utilisation de la langue des signes française (LSF), du Facile à lire et à comprendre (FALC), etc.). Le développement d’outils et de supports d’information adaptés répond à un objectif d’égal accès à l’information et participe concrètement à un meilleur accès aux soins. De nombreuses initiatives existent, telles que celles de Santé BD, qu’il faudrait soutenir et diffuser largement.