Comme proposés par les rapports Libault (proposition 87 : objectif d’accroissement de 25% des effectifs soignants), El Khomri (proposition 1) et Jeandel / Guérin (recommandation n°7), la FHF recommande l’adoption d’un plan pluriannuel de création de 20 000 postes par an pendant 5 ans (« Des êtres humains pour s’occuper d’êtres humains »).
Cet objectif concerne les établissements comme les services à domicile. Il doit permettre, pour un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de 100 lits environ, de recruter trois professionnels supplémentaires chaque année.
Sa mise en œuvre suppose de mobiliser des ressources supplémentaires à hauteur du besoin pour la branche autonomie (+ 20 000 postes = + 900 M€ par an, soit un besoin de financement supplémentaire au global d’environ 4,5 Mds€).
En termes de volume, ces besoins s’ajoutent à ceux déjà liés à la pénurie actuelle sur certains métiers, mais aussi à ceux liés aux départs en retraite et au turn over (le rapport El Khomri évaluait environ à 200 000 les départs entre 2020 et 2024).
L’ampleur des besoins et des ressources nouvelles à mobiliser à moyen terme impose désormais de ne plus attendre pour identifier des moyens nouveaux pour la branche autonomie et de financer la programmation pluriannuelle de ces créations d’emplois.
Le chiffre de 100 000 créations de postes peut paraitre énorme mais ne représente en réalité qu’une augmentation du temps d’accompagnement par résident de l’ordre de 20 minutes par jour, au bout de 5 ans. Cet objectif ne constitue pas un idéal mais un « minimum vital » pour améliorer l’accompagnement et restaurer l’attractivité des conditions de travail.
L’état de santé des personnes âgées accueillies en EHPAD impose l’organisation d’une continuité des soins, ainsi que le recours à de nombreuses expertises, afin de garantir une prise en charge de qualité.
La mutualisation des expertises et ressources « rares » entre établissements peut permettre de répondre à cet objectif de spécialisation et de diversification des compétences.
Il est par ailleurs indispensable de doter tous les EHPAD d’un socle minimal de temps médical et paramédical (ergothérapeute, psychomotricien, orthophoniste), mais aussi d’un temps minimal de psychologue, d’animateur ou d’intervenant en activité physique adaptée.
Les profils de soins de plus en plus lourds des personnes accueillies en EHPAD justifient une présence infirmière 24h/24. A défaut d’une permanence assurée par une présence infirmière 24h/24, une astreinte infirmière de nuit mutualisée entre plusieurs établissements doit être mise en place.
Les retours d’expérience sur ces dispositifs ont montré qu’ils contribuaient à la baisse du nombre de passages aux urgences et à la réduction des hospitalisations évitables pour les personnes âgées. La FHF recommande l’accélération de la généralisation de ces dispositifs, en révisant ou en appréciant avec souplesse les seuils pour leur mise en place.
Pour améliorer concrètement le suivi médical en EHPAD, la FHF recommande de reconnaitre la spécificité des infirmières en pratiques avancées (IPA) en gérontologie, et d’encourager au développement de cette fonction, sous la supervision du médecin traitant ou du médecin coordonnateur. Les compétences et l’expertise clinique de l’IPA pourraient être mutualisées entre plusieurs établissements.
La généralisation d’une formation complémentaire de base en gérontologie doit permettre aux professionnels exerçant en EHPAD et en unités de soins longue durée (USLD) de faire face, de manière adaptée, à des situations d’accompagnement complexes auprès de personnes désorientées et souffrant de troubles cognitifs importants, et ainsi de mieux préserver leur qualité de vie.
Créée dans le cadre du premier plan Alzheimer, la formation continue d’assistant de soins en gérontologie (ASG), d’une durée de 140 heures (4 semaines), permet de mieux « outiller » les professionnels qui assistent et accompagnent les personnes souffrant de troubles cognitifs. Cette formation, jusqu’à présent réservée aux professionnels exerçant au sein d’unités ou de pôles dédiés aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou apparentées, s’avère indispensable à l’ensemble des professionnels exerçant au sein des structures. Or, seulement 3 % des aides-soignants en EHPAD sont aujourd’hui diplômés ASG. La FHF recommande que l’accès le plus large possible à la formation d’ASG soit ouvert aux professionnels des EHPAD et des USLD, comme aux accompagnants à domicile.
Les établissements qui ne disposent pas de certaines compétences ou expertises doivent pouvoir compter sur l’apport de ressources externes et des interventions des différents dispositifs d’appui hospitaliers (équipes mobiles, HAD…), par le développement des coopérations territoriales qui doivent devenir systématiques.
La FHF formule plusieurs propositions pour améliorer concrètement le parcours de soins des personnes âgées en situation de perte d’autonomie, qu’elles vivent en établissement ou à domicile.
L’hospitalisation à domicile (HAD) est une ressource sous-utilisée dans les EHPAD en dépit de l’élargissement récent des possibilités d’intervention. L’identification précoce des patients à risques pouvant être suivis par l’HAD (évaluations anticipées) est un levier intéressant pour anticiper les interventions de l’HAD et limiter des hospitalisations inopportunes. Le bénéfice de l’HAD sur la prévention des hospitalisations est démontré également pour les personnes âgées vivant à domicile.
La FHF soutient les démarches de développement des interventions sur le lieu de vie des personnes âgées (EHPAD ou domicile) des différentes équipes mobiles hospitalières (EMG, soins palliatifs, hygiène…).
En répondant aux besoins d’expertise, requis par les différentes situations des personnes accompagnées, ces dispositifs représentent un soutien précieux aux professionnels des établissements et services médico-sociaux (ESMS) (avis spécialisé, repérage précoce des fragilités…) et contribuent concrètement à limiter les risques d’hospitalisation.
La crise sanitaire a permis de mesurer l’importance d’une organisation territoriale et intégrée de l’offre sanitaire et médico-sociale, du développement des filières gériatriques et du rôle central des groupements hospitaliers de territoire (GHT), qui constituent le point nodal de l’appui des dispositifs hospitaliers (astreinte gériatrique, EMG, EMSP, HAD, télémédecine…) aux ESMS.
L’intégration dans une filière gériatrique, dont le principe était posé par la circulaire du 29 décembre 2017 (relative à la mise en place d’une démarche de coopération renforcée entre établissements de santé médecine, chirurgie, obstétrique et EHPAD dans le cadre de l’amélioration des parcours de santé des personnes âgées), devra nécessairement être organisé de façon plus systématique.
La FHF soutient l’objectif de renforcement et de généralisation des astreintes téléphoniques gériatriques (« hotline gériatrique ») : les médecins généralistes de ville, ou médecins coordonnateurs d’EHPAD, ont besoin de l’expertise médicale gériatrique et de partager en pluridisciplinarité autour de situations précises afin de mieux prendre en charge leur patientèle âgée (avis spécialisés).
Ces dispositifs contribuent très concrètement à différer, voire éviter, des hospitalisations inutiles.
De la même façon, la généralisation des parcours d’admissions directes non programmées des personnes âgées en service hospitalier (Mesure 5 du Pacte de refondation des urgences) doit permettre de limiter les hospitalisations après passage, souvent inadéquat, aux urgences.
D’une manière générale, une plus forte inscription des ESMS dans les filières gériatriques, ou de soins spécialisés, permet de travailler en amont avec les partenaires les modalités de recours à leurs services, en urgence ou de manière programmée, afin de faciliter le quotidien des équipes soignantes et permettre de proposer l’accompagnement le plus adapté.
Cette mesure fait consensus. Elle vise à la fois à simplifier la gouvernance des EHPAD et le pilotage des démarches qualité, et à faciliter la transformation de l’offre. Les EHPAD n’auraient ainsi plus qu’un seul interlocuteur (et financeur) s’agissant de l’offre de soins et d’accompagnement dans les actes de la vie quotidienne. Il s’agit également d’un sujet d’équité territoriale, la valeur du « point GIR » étant aujourd’hui différente dans chaque département.
Cette orientation est soutenue également par la Cour des comptes (voir le rapport sur « La prise en charge médicale dans les EHPAD » de février 2022).
La fusion des sections tarifaires soins et dépendance doit aussi être l’occasion de revisiter la répartition de certaines charges, notamment celles qui pèsent exclusivement sur la section hébergement, et donc sur le tarif à la charge des usagers.
Le développement du tarif global est un levier puissant pour renforcer la prise en charge médico-soignante dans les EHPAD, en favorisant notamment le recours à des médecins traitants salariés. Il peut également être considéré comme davantage vertueux du point de vue de la maitrise des dépenses publiques.
La FHF propose donc une ouverture plus large du tarif global, avec une gestion souple des médicaments, et en s’appuyant sur une véritable fongibilité des enveloppes de l’ONDAM de ville et de la branche autonomie, afin d’assurer l’efficience de la démarche.
La possibilité d’opter pour le tarif global implique une révision des paramètres de l’équation tarifaire GIR moyen pondéré soins (GMPS), car cette option tarifaire n’a fait l’objet d’aucune revalorisation depuis 10 ans. Ce gel de la valeur du « point GMPS » pour le tarif global a eu un effet désincitatif et a pénalisé plus fortement les EHPAD publics, plus nombreux à avoir opté pour cette option tarifaire.
Les missions de service public, et l’accueil inconditionnel tel qu’il est pratiqué dans les établissements publics, génèrent des surcoûts non pris en compte par l’équation tarifaire résultant des grilles PATHOS et AGGIR qu’il convient d’objectiver.
Des financements complémentaires pérennes doivent pouvoir être fléchés dans le cadre d’une contractualisation pluriannuelle et sur la base d’indicateurs partagés. Par exemple, au titre de la prévention, les EHPAD doivent constituer des dossiers de demande de financements pour obtenir des crédits non pérennes, sans visibilité pluriannuelle sur leur éventuelle poursuite à leur terme. Or, la prévention, comme toutes les autres actions transversales impliquant un travail partenarial, doivent s’inscrire dans un temps long incompatible avec les modes de financements actuels.
Les EHPAD sont confrontés à un effet de ciseaux dangereux, entre des résidents de plus en plus poly-pathologiques et une véritable démédicalisation dans les EHPAD, qui ne disposent souvent pas de médecins salariés et dont les résidents sont de moins en moins nombreux à avoir un médecin traitant. La possibilité de prescrire reconnue aux médecins coordonnateurs par le décret n° 2019-714 du 5 juillet 2019, notamment en cas d’absence de médecin traitant, constitue un progrès mais doit être confortée dans les pratiques quotidiennes et être accompagnée d’un financement complémentaire versé à l’établissement.
Il est donc proposé de verser aux EHPAD un « forfait médical minimal » pour rémunérer des médecins intervenant, afin d’assurer un suivi minimum des résidents dépourvus de temps de médecin traitant disponible. Ce forfait pourra permettre la rémunération des médecins coordonnateurs pour cette activité de prescription qu’ils assureraient de manière régulière auprès de certains résidents.
De même, l’attribution d’un forfait prévention, destiné à rémunérer les interventions de chirurgiens-dentistes et de pharmaciens, serait de nature à ancrer dans le temps une collaboration avec ces professionnels, qui interviendraient en amont des éventuelles dégradations de l’état de santé des résidents. Des expérimentations sont engagées sur ces modes de collaborations et de financements, dont il faut pouvoir rapidement tirer les enseignements.
Avec les crédits du Ségur de la santé (600 M€), le programme ESMS numérique constitue une opportunité historique pour « mettre à niveau » le secteur médico-social en termes d’équipement et d’usage des outils numériques. Les exigences nouvelles d’interopérabilité, et l’intégration progressive des services socles du numérique en santé, constituent des leviers opérationnels pour décloisonner l’offre d’accompagnement et de soins, en établissement de santé, médico-social ou en ville, et faciliter les échanges d’information dans les parcours de vie et de soins des personnes.
Le programme ESMS numérique doit être complété par des mesures visant à pérenniser cette dynamique de mise à niveau technologique dans les établissements médico-sociaux. La FHF propose ainsi de :