1- Déstigmatiser la santé mentale

À l’occasion des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, qui se sont tenues les 27 et 28 septembre 2021, le ministre de la Santé, Olivier VERAN, précisait qu’« à l’heure où certains publics (jeunes, personnes âgées et personnes précaires) sont particulièrement touchés par des troubles psychiques, oser parler de la santé mentale, au même titre que les maladies somatiques ou sexuelles, et œuvrer à la non stigmatisation de ces troubles, est une priorité de notre feuille de route ». La FHF porte également cette ambition.

La maladie mentale peut concerner tout le monde et n’est pas une fatalité, car on peut être soigné efficacement.

a) Renforcer les liens entre la psychiatrie et la médecine générale : pour une meilleure connaissance mutuelle

Les Assises de la santé mentale ont mis en exergue le besoin de renforcer la connaissance par la médecine de ville des maladies psychiatriques, afin de mieux les repérer. A ce titre, le déploiement progressif des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) est l’occasion de créer des liens de proximité avec les professionnels libéraux, et notamment les pharmaciens.

Le repérage des personnes ayant besoin de soins psychiatriques est une réelle difficulté qu’il faut pouvoir contourner en développant toutes les initiatives et outils (grilles, questionnaires, avis spécialisé facilité etc.), afin d’améliorer le repérage de situations à risque.

L’existence de consultations dédiées, à positionner sur l’ensemble du territoire, est très utile également.

b) Soutenir les démarches de déstigmatisation communication, d’information et d’inclusion de personnes/patients

Il est tout d’abord primordial de remettre au centre la question du parcours de santé, la psychiatrie étant précurseur dans ce domaine (exemple des projets territoriaux de santé mentale en cours de déploiement). 

Cette approche en parcours de santé doit également être l’occasion d’associer davantage les associations de familles et de patients. Mais il est fondamental que les patients eux-mêmes soient pleinement mobilisés dans la construction de leur parcours de santé, qui influe énormément sur leur parcours de vie. 

Cet élargissement est nécessaire à la déstigmatisation. 

Une campagne de communication auprès du grand public peut également être utile et contribuer à changer le regard de la société sur cette maladie. Le ministère de la Santé s’est engagé sur ce point : une campagne nationale de communication baptisée « en parler c’est déjà se soigner » a ainsi été lancée et des financements sont annoncés. 

Mais c’est bien dans la durée qu’elle produira ses effets, en utilisant tous les canaux existants et en sensibilisant particulièrement les jeunes.

Il pourrait également être intéressant de sensibiliser les médias sur les particularités de la santé mentale, en proposant des outils de compréhension de ce secteur. 

2 - Systématiser l’approche de la santé mentale dans la démarche de planification de la réponse aux besoins

a) Avoir une gouvernance inter-ministérielle en matière de psychiatrie

La transversalité de la psychiatrie et de la santé mentale est très insuffisamment prise en compte, bien qu'elle concerne le champ de compétences de nombreux ministères (justice, intérieur, logement, cohésion sociale, éducation, recherche, etc.). 

Seule la constitution d’une délégation inter-ministérielle serait de nature à faire disparaitre ces cloisonnements, permettant ainsi de réduire la complexité et de gagner en efficacité d’action.

b) Renforcer le secteur psychiatrique comme l’échelle de proximité de traitement en psychiatrie et en santé mentale, en utilisant le droit des autorisations et le financement pour le conforter

Il convient également de poursuivre la réduction des inégalités d’accès à l’offre et à la réponse aux besoins. En ce sens, la typologie de classement des territoires de santé réalisée par l’IRDES dans son rapport n° 558 de décembre 2014 vient parfaitement illustrer l’ampleur de ces inégalités et de la rupture d’équité entre usagers en fonction de leur lieu d’habitation. 

Plus grave encore, l’offre en psychiatres libéraux varie de 1 à 40 selon les territoires.

Pour la seule métropole, les dépenses de psychiatrie par habitant varient parfois de 20% à 30% entre les régions.

Cet état de fait doit amener les pouvoirs publics à prendre des décisions courageuses pour réduire ces inégalités d’accès.

L’organisation de la gradation des soins sur les territoires contribuera également à réduire les inégalités d’accès à l’offre et la garantie de la mise en place de parcours de soins efficaces.

c) Faire des projets territoriaux en santé mentale un volet obligatoire des projets territoriaux en santé

La FHF soutient le déploiement obligatoire de projets territoriaux de santé (PTS), en lien avec l’ensemble des acteurs du territoire, dans lequel l’actuel projet territorial de santé mentale (PTSM) deviendrait l’un de ses volets à part entière.

Leur déclinaison opérationnelle serait traduite dans les contrats territoriaux en santé (CTS) conclus avec l’agence régionale de santé (ARS), dans lesquels figureraient les actions financées à ce titre.

Une des conditions de réussite de cette nouvelle organisation territoriale réside bien dans l’engagement des parties prenantes, sur la base de fiches actions opérationnelles, de liens formalisés avec les partenaires, d’indicateurs pertinents, mesurables et peu nombreux… et la lisibilité sur les financements mobilisables. 

Par ailleurs, il apparait aussi nécessaire à la réussite de ce projet de recruter un coordinateur de projet pour structurer cette démarche de participation partenariale.

d) Fixer un objectif ambitieux en matière de délai de premier rendez-vous en psychiatrie

Le délai d’obtention d’une consultation en centre médico-psychologique (CMP) peut parfois dépasser plusieurs semaines ou mois. Par ailleurs, ce délai peut être très différent en fonction des territoires ou du type de consultation (pour adulte ou pour enfant), ce qui peut avoir des conséquences très importantes sur l’aggravation des pathologies psychiatriques, et entrainer des passages à l’acte. Les différentes propositions en matière d’attractivité pour les professionnels médicaux et paramédicaux pourront participer à la réduction du délai d’accès à un premier rendez-vous en psychiatrie. Néanmoins, il est nécessaire de fixer un objectif ambitieux pour permettre de diagnostiquer et prendre en charge au plus vite, afin d’éviter toute aggravation de la maladie. Il faut également pouvoir garantir des créneaux d’accès en urgence pour les patients qui en ont le plus besoin. 

3 - Relancer la dynamique de l’offre publique

Le secteur public se voit souvent confier la prise en charge des situations les plus complexes ou les plus lourdes, sans pour autant obtenir des financements à la hauteur de ces accompagnements.

a) Un impératif, assurer le rebasage du financement de la psychiatrie publique

Le mode de financement actuel, qui date de 40 ans, ne permet pas de financer de façon efficiente et pertinente une offre de soins, ni de pouvoir se conformer aux priorités de santé mentale. 

De plus, l’évolution des financements par secteur contribue à creuser les inégalités. Ainsi, entre 2008 et 2018, l’enveloppe allouée aux acteurs privés lucratifs a cru quatre fois plus vite que celle allouée aux acteurs du public et du privé non-lucratif, alors même que le secteur public peine à faire face aux hausses du nombre de patients.

C’est pourquoi un rattrapage financier en faveur du secteur public est devenu un impératif et une condition de survie de cette offre. Pour compenser 10 ans de sous-financement de la psychiatrie publique au regard de l’évolution de l’ONDAM, la FHF demande une augmentation de 800 millions d’euros sur 5 ans du budget de la psychiatrie publique. Ces moyens nouveaux permettront d’accélérer les effets de la réforme de financement, soutenir le développement de nouvelles autorisations dans les territoires le nécessitant, et développer l’attractivité des carrières en améliorant le cadre d’exercice des professionnels médicaux et paramédicaux. 

b) Saisir les opportunités de la réforme du financement de la psychiatrie pour renforcer la pertinence des financements territoriaux

La réforme du financement permet de créer un cadre unique qui pose les mêmes règles de financement à l’ensemble des acteurs, qu’ils soient publics ou privés. La réforme permet également d’allouer les financements aux régions selon leurs caractéristiques, notamment en surfinançant celles qui ont le plus d’habitants en situation de précarités ou de jeunes. Il convient maintenant de mieux financer les établissements le nécessitant, pour leur permettre d’assurer la réponse aux besoins de santé en valorisant aussi l’accroissement de leur file active.  

c) Conditionner l’octroi de nouvelles autorisations à la réponse aux besoins de santé

Les récentes autorisations ont souvent été données à des établissements qui ne prodiguaient pas les réponses nécessaires aux besoins de santé des territoires, notamment en privilégiant l’hospitalisation complète alors que la psychiatrie évolue vite vers l’ambulatoire. Aussi, les nouvelles autorisations doivent être un véritable outil de corrections des inégalités d’équipements entre les territoires, mais également d’adaptation de l’offre à l’évolution des besoins en santé et aspirations des populations. 

d) Prévoir un plan spécifique dédié à la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent

La psychiatrie infanto-juvénile concentre les difficultés rencontrées en psychiatrie : postes vacants, délais allongés d’accès à un premier rendez-vous, augmentation de la file active (particulièrement marquée par la crise sanitaire). Dès lors, la FHF propose l’élaboration d’un plan d’actions spécifiques à la pédopsychiatrie prévoyant : 

  • l’attractivité du métier de psychiatre de l’enfant et de l’adolescent ;
  • le renforcement des équipes pluri-professionnelles ;
  • le développement de consultations hors les murs ;
  • le développement des infirmiers en pratique avancée (IPA) ;
  • la formation de la médecine de ville et des psychologues aux enjeux de l’enfant etc.

Ce plan d’action pourrait bénéficier d’un portage interministériel, les questions de psychiatrie infanto-juvénile touchant également à des sujets liés à l’éducation, la justice ou le logement. 

e) Renforcer l’attractivité de la psychiatrie pour les professionnels

La psychiatrie souffre depuis plusieurs années d’une désaffection des jeunes médecins. Elle fait ainsi généralement partie des dernières spécialités choisies par les futurs internes et ne parvient pas à couvrir l’ensemble des postes d’internes prévus. En 2021, elle est ainsi la spécialité ayant le plus de postes d’internes non pourvus, soit 13,2% des postes proposés, alors que ce taux était proche de 1% il y a encore quelques années. 

Au sein de la psychiatrie, le secteur public est particulièrement en proie à des difficultés de recrutement, tant pour le personnel médical que paramédical. Ainsi, 30% des postes de praticien hospitalier à temps plein sont actuellement vacants.

L’enquête menée par l'Association française fédérative des étudiants en psychiatrie (Affep) et l'Association des jeunes psychiatres et jeunes addictologues (AJPJA) en 2021 auprès de plus de 3 000 psychiatres et psychiatres en formation a notamment montré que 80% des étudiants se montrent intéressés par l’exercice libéral. Cette tendance concerne également de nombreux médecins actuellement en exercice hospitalier, qui envisagent dans les années à venir de basculer vers un exercice privé. Ce recours à l’exercice libéral accentue également les disparités d’offre de soins puisque le nombre de psychiatres sur le territoire français pour 100 000 habitants varie de 1 à 42 (DREES 2021). 

f) Créer un choc d’attractivité pour la psychiatrie publique

Pour inverser la tendance et sécuriser l’avenir de la psychiatrie publique qui prend en charge les cas les plus lourds, la FHF propose de créer un choc d’attractivité, et pour cela de :

  • renforcer la qualité des stages dans le cadre de la formation des futurs médecins
    La formation des jeunes médecins est un facteur déterminant pour l’orientation vers des carrières hospitalières. Par conséquent, il est indispensable d’apporter une attention particulière à la qualité et les conditions d’encadrement des étudiants et des internes lors de leurs stages au sein des établissements psychiatriques.  
  • favoriser le développement d’exercices partagés
    Les conditions d’exercice professionnel doivent également être amenées à évoluer pour permettre une diversité de modalités d’exercice. Cela passe par la favorisation des exercices partagés, notamment en développant les postes partagés entre centres hospitaliers universitaires et établissements psychiatriques par exemple. Ces modes d’exercice partagé sont également envisageables entre hospitalisation et ambulatoire, ou entre l’hospitalier et la ville ou le médico-social. Cette diversité des modes d’exercice renforcera l’attractivité des carrières publiques. 
  • favoriser et accélérer l’évolution des pratiques professionnelles
    Pour demeurer attractive, une spécialité doit pouvoir évoluer et se réinventer. Le développement de l’ambulatoire plutôt que l’hospitalisation ou encore le recours à des pratiques alternatives à l’isolement, à la contention ou aux soins sans consentement, sont autant de perspectives encourageantes qu’il convient de soutenir pour rendre cette discipline plus humaine.

g) Développer le rôle des paramédicaux pour renforcer le dépistage et la coordination des parcours

Si les difficultés de recrutement sont prégnantes pour le personnel médical, elles le sont tout autant pour le personnel paramédical dont le rôle est essentiel dans la coordination des parcours des patients. La FHF propose donc de :

  • soutenir le développement des infirmiers en pratique avancée
    Le dispositif des infirmiers en pratique avancée (IPA), déjà déployé à l’hôpital, doit être soutenu dans son déploiement en psychiatrie. Les IPA sont en effet un véritable appui auprès des équipes pour libérer du temps médical, et la diversité de leurs missions permet d’en faire un rôle essentiel dans la coordination des parcours ou dans le lien avec l’entourage du malade. Le nombre de places offertes aux IPA en psychiatrie, ainsi que le nombre de formations financées, doivent être fortement augmentés dans les années à venir.
  • renforcer la formation des psychologues pour améliorer le dépistage
    Le remboursement de consultations de psychologues décidé lors des Assises de la Santé mentale de septembre 2021 est un mécanisme permettant de renforcer l’accès aux soins en matière de santé mentale. Il permet ainsi aux psychologues d’être une porte d’entrée facilitée vers la prise en charge en santé mentale. Les psychologues peuvent ainsi jouer ce rôle de repérage. Dès lors, il est nécessaire de renforcer la formation des psychologues en matière de psychiatrie, notamment de l’enfant, pour permettre la bonne orientation des patients dans un parcours de soins coordonné. 

Découvrir nos autres ambitions