La structuration de la recherche repose sur des professionnels. Attirer des compétences rares, et permettre de disposer de temps dédié à la recherche et à l’implantation des innovations, nécessitent des mesures fortes en matière d’attractivité pour les carrières HU et les métiers de la recherche, afin de professionnaliser la recherche.
La question de l’attractivité ne se limite pas à des questions de rémunération, qui sont importantes toutefois, mais touche également à des sujets d’équilibre vie professionnelle/vie personnelle, de durée des contrats, de stabilité de l’emploi et d’accompagnement des carrières.
Si le Ségur de la santé a abouti à un plan global sur les carrières HU en juillet 2021, et qu’une partie des mesures a été intégrée dans la réforme statutaire HU en cours (mis en œuvre au 1e janvier 2022), il n’a pas permis de corriger des particularités statutaires qui sont apparues datées, ni de faciliter suffisamment l’accès aux postes universitaires.
Il manque notamment :
En synthèse, les principaux défis sont structurels. Il faut :
Aujourd’hui, de nombreux financeurs n’acceptent que les professionnels en CDD et refusent l’imputation de CDI ou de titulaires de la FPH. Cela représente un frein à l’accompagnement des carrières de nos professionnels, les établissements publics de santé étant obligés de conserver une proportion élevée de professionnels en CDD. Il serait donc nécessaire de faciliter la possibilité de financer des postes pérennes (CDI ou titulaires) sur les AAP ANR, afin de limiter les professionnels en situation de précarité.
Par ailleurs, il pourrait être intéressant de proposer un guide des métiers de la recherche au sein des établissements de santé, afin d’identifier notamment les compétences rares et d’harmoniser le recrutement de ces professionnels sur une grille statutaire plus favorable (exemple : métier de chargé de valorisation, biostatisticiens et data manager, etc.).
Ce sont des métiers qui souffrent actuellement d’un manque de visibilité et d’attractivité, en particulier du fait de la concurrence avec le privé (industrie pharmaceutique, CROs, établissements privés…), alors qu’il s’agit de métiers d’avenir, avec de belles perspectives de carrière.
Il convient donc de mener une réflexion à l’échelle nationale concernant les différents volets des métiers de la recherche dans le but d’identifier des actions concrètes : déroulement de carrière, évolution, attractivité, actions de communication, formations, perspectives…
Les start-ups, soumises à des contraintes de fonds, souvent limités, et à une concurrence technologique forte, ont besoin de réponses rapides aux questions émanant d’un partenariat public-privé. Elles méconnaissent les contraintes de l’hôpital, qui peuvent être perçues comme un désintérêt ou une crainte de s’engager. Les équipes hospitalières, notamment celles dont les activités ne sont pas directement liées à la recherche, au partenariat ou à la valorisation, ont souvent peu de connaissances sur les mécanismes des collaborations public-privé, les enjeux de propriété intellectuelle et de financement. Elles sont également contraintes par une lourde charge de travail. Une grande partie du travail des équipes de valorisation des CHU est ainsi dédiée à l’acculturation des start-ups au monde de l’hôpital, et des équipes du CHU aux enjeux des start-ups. Ce travail d’intermédiation par les équipes des CHU est indispensable à des relations efficaces.
Les entreprises de taille intermédiaire et grands groupes disposent généralement d’une bien meilleure connaissance du fonctionnement hospitalier mais ont souvent eux-mêmes leurs propres contraintes internes (validation d’une maison mère notamment).
La mise en place de contrats-cadre peut favoriser les échanges réguliers, indispensables à l’instauration d’une confiance réciproque.
De tels accords, avec l’appui des pouvoirs publics, pourraient ainsi prévoir le remboursement des frais de PI obligatoire par un partenaire privé en cas de licence exclusive.
Une piste également intéressante serait de favoriser les doubles cursus et les doubles diplômes (ingénieur/médecin par exemple).
Les doubles diplomations constituent en effet un levier extrêmement efficace dans la création de valeur scientifique et industrielle et est assurément une cible majeure à privilégier pour permettre à la France de développer de façon forte la production d’innovations en santé.
Au-delà des doubles cursus et doubles diplômes, une sensibilisation des étudiants hors santé (écoles d’ingénieurs, universités) aux enjeux de santé publique, et une sensibilisation des étudiants en santé aux enjeux technologiques et de propriété intellectuelle, constituent également des pistes intéressantes.
Favoriser le développement et la structuration de hubs portés par les hôpitaux publics ou regroupements d’établissements de santé est un enjeu majeur pour la recherche en santé, et une question centrale de souveraineté nationale.
Des CHU et/ou des groupements d’établissements de santé disposent d’entrepôts de données de santé aux potentialités de croisements et d’exploitation très prometteuses. La constitution de tels entrepôts, les enjeux de qualité de la donnée, la structuration et l’homogénéisation des données pour les rendre exploitables et le respect de règles de sécurité très exigeantes nécessitent toutefois des investissements massifs et des compétences rares. Or, aucun financement n’est assuré par l’ONDAM, enveloppe fermée et fortement régulée, avec peu de moyens fléchés et dédiés à l’innovation.
Certains CHU ont eu l’opportunité de bénéficier de financements externes (collectivités locales par exemple) mais cela reste l’exception. Renforcer les capacités en ressources humaines et les infrastructures des établissements développant des entrepôts de données représente donc un enjeu majeur pour l’ensemble de la filière Health Tech.
Ces données sont en effet indispensables à l’émergence, la construction et l’évaluation d’innovations et s’avèrent très utiles dans le cadre de partenariats entre les établissements publics de santé et l’industrie autour de projets innovants. Les tendances technologiques actuelles s’orientent vers une importance centrale des bases de données, et particulièrement celles disponibles au sein des CHU, collectées via des entrepôts de données, des cohortes ou des études cliniques.
La valeur de l’accès à un entrepôt de données de santé, ou à des bases de données de résultats des essais cliniques, est importante pour un industriel, qui n’aura pas à supporter le coût de la recherche clinique et de la collecte de donnée en amont. Elle l’est tout autant pour les entreprises du numérique de santé qui ont un besoin à la fois d’expertise médicale mais aussi de bases de données permettant un entrainement des algorithmes et des systèmes soutenant leurs services/dispositifs.
Afin de répondre aux enjeux d’investissement et de structuration des entrepôts de données et de mobilisation de compétences informatiques spécifiques (data management, data scientiste…), il est indispensable de proposer un dispositif de financement de centres de données cliniques labellisés au titre des crédits MERRI (missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation), construits sur la base d’une dotation socle pérenne, assortie d’une dotation variable en fonction de l’activité (appariement et partage des données dans le cadre d’un réseau inter-CHU et d’un réseau national avec le Health Data Hub dont les missions sont reconnues par la Loi). Une telle labellisation pourrait être un vecteur pour le financement par dotation, à l’instar des centres d’investigation clinique (CIC).
Les hôpitaux publics doivent également, compte tenu du coût d’investissement de tels entrepôts, pouvoir facturer les mises à disposition de données et prestations de service, sur la base d’un modèle économique qu’il convient de définir et de construire, dans un objectif de partage de l’effort, du risque et de la valeur.
Des contrats-cadre pourraient intégrer le paiement pour l’accès et l’utilisation des bases de données cliniques : lorsque les données sont mises à disposition d’un partenaire privé, une valorisation doit être systématique tenant compte du coût de production des bases de données, de l’expertise médicale liée à ces bases lors de leur constitution et de leur développement et de la valeur générée par l’utilisateur par une exploitation commerciale.
En cohérence avec la stratégie d’accélération en matière de santé numérique, il conviendrait également de soutenir massivement les établissements ou groupements d’établissements engagés dans des projets d’entrepôts de données afin de permettre de recruter des profils spécialisés et hautement qualifiés pour accompagner les usages innovants en santé utilisant l’intelligence artificielle (IA).
Au-delà de la structuration des données au sein des entrepôts de données mis en place par les CHU, la démarche pourrait être élargie et poursuivie au niveau régional et inter-régional, par la mise à disposition de données sur certains projets de recherche.
En synthèse, il convient d’investir dans les outils numérisés (datas, IA...) de la recherche et donc de :
L’appel à projets qui devrait être publié prochainement, qui permettra de financer des entrepôts de données labellisés d’établissements de santé, est donc fortement attendu par les acteurs hospitaliers publics et les équipes de recherche. Il permettra d’identifier et de labelliser des centres de données cliniques, essentiellement dans les CHU, avec une dimension territoriale et/ou régionale, constitutifs de hub régionaux ou inter-régionaux et favorisant le partage de données et le développement de recherche entre CHU.
Si la FHF a obtenu, à l’occasion du Ségur de la Santé, un plan de rattrapage des crédits de la dotation socle des MERRI, avec un abondement de 400 M€ échelonné sur 8 ans, le principe d’une évolution des crédits MERRI dans leur ensemble, et de la dotation socle en particulier, n’a pas été retenu.
Lors des échanges du Ségur, la FHF avait rappelé sa demande que l’enveloppe MERRI dans son ensemble, et la dotation socle en particulier, progressent dans les années à venir sur la base d’un taux d’évolution calé sur celui de l’ONDAM hospitalier et ce, a minima, indépendamment de tout effet de périmètre qui pourrait venir se rajouter.
Faute d’une telle évolution, le plan de rattrapage de 400 M€ risque en effet d’être amputé chaque année par l’évolution tendancielle des charges et de ne pas constituer un véritable rattrapage. Le risque est grand de se retrouver dans la même situation au bout de 8 ans sans taux d’évolution annuel pérenne, hors mesures Ségur, hors effets de périmètre, et hors mesures provisoires de compensation.
Et ce d’autant plus que les établissements publics n’ont pas été les grands gagnants de la 1ère étape du plan de rattrapage en 2021, les CH étant perdants dans le nouveau modèle d’allocation MERRI et les CHU ayant encore vu leur poids relatif dans l’enveloppe diminuer.
Le nouveau modèle de ventilation de la dotation socle des MERRI nécessite donc des travaux d’approfondissement (en cours au sein d’un groupe d’experts national) : définition et cahier des charges des entités de recherche ; seuils (enseignement, publications) et compte fractionnaire ; annuaires et doublons afin de favoriser la recherche d’excellence et de financer la recherche là où elle se fait.
Le rattrapage de 400 M€ sur 8 ans décidé en 2020 lors du Ségur de la Santé constitue une opportunité de renforcer le financement des structures de recherche en fonction de leur activité et de leur niveau d’excellence. La proposition de la FHF permettrait également aux établissements concernés d’avoir une visibilité pluriannuelle en matière de continuité des ressources. Une partie de ces financements supplémentaires pourrait par ailleurs abonder les appels à projets de type « programme hospitalier de recherche clinique » (PHRC).
Au-delà des financements de la recherche, les financements de l’innovation sont également insuffisants et ont souvent constitué des variables d’ajustement au sein de l’ONDAM, voire ont été détournés de leurs finalités.
Seules deux enveloppes fléchées innovation au sein de l’ONDAM hospitalier existent :
La proposition 16 souligne l’importance de tiers-lieux labelisés permettant l’accompagnement de start-up autour de projets innovants. Cela nécessite de pouvoir libérer du temps de professionnels de santé hospitaliers et donc de faire évoluer le mode de financement des hôpitaux publics en rémunérant des « temps innovation » hors financement T2A.
Ainsi, en matière de financement de la recherche et de l’innovation, la FHF propose de :