La dimension éthique est une composante du système de santé et du prendre soin.
Il est nécessaire que la réflexion éthique soit reconnue et valorisée comme un processus faisant partie intégrante du soin et une fonction à organiser au sein des établissements de santé et médico-sociaux, en tant qu’approche de l’humain, aide à l’analyse des pratiques et de la pertinence du soin, soutien dans la gestion des situations difficiles et des parcours de soins complexes et appui réflexif dans la prise en charge des personnes fragiles, vulnérables, handicapées.
Aujourd'hui, le système de santé, dans son modèle de financement et de tarification en partie orienté vers l’activité, ne valorise pas la réflexion et la mission éthique qui nécessitent un temps spécifique reconnu. Le modèle économique actuel dévalue le temps nécessaire à la communication, à la relation au patient et aux aidants, à l’écoute, à la coordination pluridisciplinaire, à l’élaboration du consensus d’équipe et à la réflexion interdisciplinaire pour fonder, expliciter et appuyer l’action de chacun dans le prendre soin.
Il est nécessaire que l’éthique, intrinsèque au soin, soit prise en compte en terme économique dans les réformes des modèles de financement et de tarification en cours.
Il convient aussi, au sein des territoires, de renforcer et financer les structures éthiques, que ce soit sous la forme de comités éthiques territoriaux ouverts au médico-social, à l’ambulatoire et à la société civile, ou d’équipes mobiles d’appui à la réflexion éthique pouvant aller vers les professionnels, structures et patients qui ne disposent pas d’aide pour la délibération éthique.
Enfin, la formation à l’éthique doit faire partie intégrante de la formation initiale et continue des professionnels de santé et de tous les professionnels intervenant dans le système de santé, managers et tutelle y compris. De même, il conviendrait que la recherche en éthique de la santé soit soutenue en tant que nouveau champ d’analyse et de progrès, notamment sur les sujets relatifs à l’autonomie et à la vulnérabilité. Dans ce cadre, pourrait être organisée une école doctorale spécifique capable d’engager et d’encadrer des travaux de thèse, d’exercer un rôle de plateforme de ressources nationale, de favoriser l’interdisciplinarité des travaux entre sciences dures et sciences humaines et de développer des liens et échanges avec d’autres équipes travaillant ces sujets à l’international.
La crise sanitaire vécue depuis près de 2 ans s’accompagne aujourd’hui d’une crise des vocations pour les métiers de la santé, d’un épuisement et d’une souffrance des professionnels et d’une perte de sens, qui s’était déjà manifestée avant la pandémie sous la forme d’une crise de l’hôpital public. Etaient notamment critiqués à l’époque : le financement à l’activité, le manque de moyens et l’impact délétère d’une politique d’économies menée sur plusieurs années.
Alors même que l’Etat a depuis, dans le cadre du Ségur de la santé, consacré des moyens importants à la revalorisation des salaires (CTI) et de plusieurs statuts, au soutien financier des établissements endettés et à l’investissement pour moderniser l’hôpital, la crise sanitaire apparait avoir fonctionné non pas comme un révélateur, mais comme un accélérateur du phénomène.
Dans ce contexte, le risque est aujourd’hui de voir s’ajouter une crise durable des ressources humaines, pouvant avoir des répercussions profondes sur l’offre de soin dans les territoires et sur la continuité de certaines missions du service public hospitalier.
En effet, certaines spécialités médicales (notamment dans le champ de la psychiatrie et santé mentale) et certaines professions paramédicales (notamment au service du grand-âge) sont d’ores-et-déjà dans une situation de grande difficulté, qui menace certains pans du service public de santé dans plusieurs territoires de la République.
Les améliorations statutaires apportées récemment ne suffisent pas à retenir les professionnels et attirer les prochains, car la question profonde du sens est aujourd’hui interrogée dans les métiers du soin et des services à la personne. Il y a donc urgence à traiter cette question pour restaurer l’attractivité des métiers indispensables à la société.
A cet égard, la FHF considère que l'attractivité des professions de santé passe par un financement rénové des acteurs de la santé, davantage fondé sur la valeur et moins sur l’activité, encourageant la pertinence, l’humanité et l’éthique des soins plutôt que la réalisation d’actes, ainsi que par une gouvernance et un management des établissements éthiques et bienveillants.
L’urgence nous parait donc appelerà l’organisation d’États généraux du service public et de l'attractivité des métiers du service public dans le champ de la santé, plus ambitieux et plus participatif que l’actuel Ségur.
La démocratie en santé est un élément consubstantiel de l'éthique du système de santé. Son fonctionnement ne doit pas s’interrompre pendant une crise, en situation d’état d’urgence sanitaire au plan national ou de plan blanc au niveau local (surtout lorsque la situation d’exception ou de crise dure).
Le bon fonctionnement de la démocratie sanitaire doit être organisé à tous les niveaux du système de santé, et notamment au niveau des territoires et établissements, en associant les représentants des usagers et les professionnels à la prise de décision, si besoin en mobilisant des outils numériques pour concerter à distance, en organisant par exemple des comités citoyens et des forums avec les usagers et la population via Internet, en écoutant et en tenant compte de leur parole et en bénéficiant des expériences d’usagers, de patients experts et d’aidants.
Il nous parait nécessaire d’instiller encore davantage de démocratie dans la gouvernance des établissements et des groupements hospitaliers de territoire (GHT).Ainsi, la FHF propose plusieurs pistes pour renforcer la démocratie en santé :
La solidarité territoriale et l’adaptation aux besoins des territoires sont des moyens garantissant un fonctionnement éthique du système de santé. La FHF propose ainsi de :
Des retours d’expérience (RETEX) ont été conduits notamment après la 1e vague de l’épidémie. Mais la durée de la crise nécessite un retour sur expérience plus général, approfondi, multidimensionnel, élaboré selon une démarche participative large, associant les élus et les usagers, et conduite de manière ascendante, du niveau local (établissements, territoires) au niveau le plus global (régional, national), avec partage des enseignements, pratiques et expériences entre les niveaux.
Sur la base de ce travail à conduire dans un calendrier limité, la FHF recommande que soient établis les objectifs d’amélioration à poursuivre, en veillant à ce que les RETEX analysent les faits notamment sous l’angle de l’éthique.
La FHF propose également, grâce à ces RETEX, l’élaboration d’un plan de gestion de crise territorial, co-construit avec les professionnels, les élus et les usagers. Ce plan prendrait en compte la dimension globale, sociale, médico-sociale, éducative et citoyenne, en intégrant une réflexion éthique, qui ne soit pas abordée que sous l'angle sanitaire mais aussi sous l'angle psycho-social, éducatif, économique et sociétal, avec des préoccupations tournées notamment vers les populations vulnérables et vers les jeunes.
L’éthicité du système de santé est un élément de la confiance de la population comme de ses professionnels et usagers.
À cette fin, la FHF propose de :
En toute circonstance, il est fondamental que le système de santé garantisse les droits de la personne sur tous les plans : physique, psychique, social, culturel et spirituel.
Une attention particulière doit être réservée aux personnes vulnérables, notamment à celles souffrant de troubles psychiques, aux personnes atteintes d’un handicap ainsi qu’aux personnes âgées (tout particulièrement celles en perte d’autonomie hébergées en structures médico-sociales ou sociales collectives).
La dimension « prévention, promotion de la santé et éducation à la santé » contribue à la santé globale, individuelle et collective, qui est un des objectifs éthiques du système de santé.
Aujourd’hui, cette dimension reste insuffisante, même si l’épidémie a mis l’accent sur l’importance massive des mesures barrières, des dépistages et de la vaccination.