L’introduction d’une dimension territoriale dans l’organisation des politiques de santé apparait incontournable, non seulement pour mieux prendre en compte les priorités de santé locales mais également les contraintes particulières liées aux territoires et à l’offre de soins existante.
Pour autant l’Etat, notamment via les agences régionales de santé (ARS), doit continuer à être le garant de la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, tout en faisant de cet enjeu majeur une priorité partagée par tous. Comme le soulignait la Société française de santé publique en juin 2020, à l’occasion de sa contribution au du Ségur de la santé, « la réduction de ces inégalités, qui sont largement documentées, doit être l’horizon commun à tous les acteurs du système de santé ».
Les récents travaux de la FHF, via sa commission permanente « Parcours de santé et de vie, Prévention, Accès aux soins et Territoires », proposent une organisation des soins simplifiée et compréhensible tant pour les usagers que pour les professionnels.
Face à la complexité d’organisation de notre système de santé, il est nécessaire de partager un langage commun sur la définition et l’articulation des territoires, facilitant les échanges entre acteurs de la santé, du médico-social et du social.
Un découpage en trois niveaux de territoires, chacun ayant des objectifs bien définis, apporterait une clarification considérable :
Ainsi, il n’existe pas un territoire en matière de santé mais des territoires, l’enjeu étant de s’assurer qu’ils recouvrent une cohérence avec la réalité des territoires de vie des populations. La définition du périmètre géographique de ces territoires sera également fonction du degré d’urbanisation des zones dans lesquelles ils sont situés, pouvant fortement varier d’une zone rurale à une zone urbaine ou semi-urbaine.
Ces trois niveaux de territoires doivent interagir entre eux, sachant qu’ils s’organisent telles des « boites gigognes », le territoire d'action regroupant l’offre de santé de proximité, le territoire de projets englobant les territoires d'action et le territoire de recours regroupant des territoires de projets, de manière à ce que les décisions prises au niveau de la planification en santé soient bien l'émanation des acteurs de terrain et des usagers.
Cette organisation territorialisée de la santé est d’ores et déjà éprouvée dans les 5 territoires pionniers déployant le modèle de responsabilité populationnelle porté par la FHF, sur les pathologies du diabète de type 2 et de l’insuffisance cardiaque.
Inscrits à l’article L. 1434-10 du code de la santé publique, les projets territoriaux de santé (PTS) connaissent une existence juridique depuis la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé. Néanmoins, tels que les textes le prévoient, les PTS sont à l’initiative d’une ou plusieurs CPTS et n’apparaissent donc pas comme le fruit d’une volonté initiale commune des acteurs du territoire.
Or, il apparait indispensable que le projet territorial de santé constitue un socle commun sur lequel toutes les parties prenantes s’accordent à mener des actions qui vont dans le même sens, celui de l’amélioration de l’état de santé de la population.
Au-delà du rôle qu’il doit jouer actuellement, le PTS ne doit pas seulement « tenir compte » des projets de santé portés par les différents groupements de professionnels, mais devenir un véritable outil fédérateur, un ensemblier de ces différents projets, chacun d’entre eux devenant un volet obligatoire du PTS.
À titre d’exemple, le projet territorial de santé mentale deviendrait un volet du PTS, comme les contrats locaux de santé auraient également vocation à intégrer un volet dédié du projet.
Pour être légitimes, les PTS doivent être élaborés par les acteurs du territoire : l’hôpital, les professionnels de ville, les acteurs du médico-social et du social, les élus, les associations et les usagers, dans le cadre d’une concertation de proximité, déclinée des conseils territoriaux de santé.
Par ailleurs, les PTS ne sont surtout pas des outils théoriques, ils doivent apparaitre comme une traduction très concrète des actions à mettre en œuvre, dans une version la plus opérationnelle possible, traduisant les coopérations nécessaires aux parcours de santé, aux démarches de dépistage, de prévention et de promotion de la santé.
Enfin, cette nouvelle organisation territoriale de la santé ne sera effective qu’à l’issue d’un processus de construction encadré dans un calendrier précis et réaliste.
La FHF propose qu’au terme d’un délai de 3 ans, soit au plus tard en 2025, l’ensemble des territoires de projets aient défini leur projet territorial de santé.
L’introduction d’une dimension contractuelle aux projets territoriaux de santé, via la signature de contrats territoriaux de santé (CTS) entre les acteurs locaux de santé et les autorités en charge des autorisations et des financements et les élus, est indispensable.
Au-delà de la symbolique d’engagement des parties prenantes, il s’agit avant tout de contractualiser sur des objectifs bien précis d’accès aux soins et de santé publique donnant lieu à l’attribution de financements. Ainsi, des moyens alloués à la mise en œuvre d’actions de santé publique en priorité et en proximité, sur la base d’objectifs de santé à atteindre, permettraient d’allier l’efficacité recherchée et la responsabilisation des acteurs. Il sera donc nécessaire de définir des indicateurs de santé de la population du territoire concerné, dont l’évolution permettra de mesurer les efforts réalisés. Dans une optique de santé publique et de pertinence des actes, l’évolution de ces indicateurs conditionne également une part de la rémunération des acteurs.
Si une dimension territoriale semble nécessaire dans l’organisation de notre système de santé, il est tout autant indispensable d’en simplifier la gouvernance.
Le secteur médico-social est particulièrement illustratif du morcellement du pilotage des politiques de santé en faveur des personnes âgées et en situation de handicap, avec des compétences partagées entre les ARS et les conseils départementaux.
Les conséquences des pilotages partagés en matière de politique publique sont connues : morcellement de la prise de décision et des financements alloués et complexité de gestion accrue pour les opérateurs. Le rapport Libault de mars 2019 soulevait déjà cette problématique dans le cadre de la concertation menée sur le grand âge et l’autonomie, en évoquant un « enchevêtrement de compétences » et le constat critique d’une organisation peu lisible, qui ne porte pas les besoins de la personne, ni ne permet d’assurer une égalité de traitement d’un territoire à l’autre.
La FHF appelle à une simplification de la conduite de la politique médico-sociale en faveur des personnes âgées et en situation de handicap autour de deux axes :
La fusion des régions a entrainé pour un certain nombre de territoires, un éloignement du siège des ARS des professionnels et des structures. L’expérience de la gestion de la pandémie de Covid-19 depuis mars 2020 conforte la proposition de la FHF, formulée dans sa contribution au Ségur de la Santé de juin 2020 (« Un New Deal pour la Santé ») : les échelons départementaux des ARS doivent jouer un rôle d’accompagnement des offreurs de santé. Sur la base de véritables délégations de pouvoir, ces échelons animés par des emplois fonctionnels seraient ceux du dialogue, de la négociation avec les acteurs mais aussi du soutien aux opérateurs rencontrant des difficultés.
La crise sanitaire a confirmé de manière flagrante la nécessité de mieux coordonner l’action des différentes directions du ministère mais aussi de rendre beaucoup plus efficace l’articulation entre le ministère des affaires sociales et la Caisse nationale de l’Assurance maladie (CNAM).
La régulation à l’échelle régionale des politiques de santé se trouve entravée par les instructions nationales et dispositifs parfois contradictoires que doivent implémenter les ARS. Par ailleurs, l’offre de soins en ville, les établissements de santé et les établissements médico-sociaux restent insuffisamment coordonnés, du fait qu’ils n’ont pas les mêmes interlocuteurs, et que ceux-ci ne poursuivent pas constamment les mêmes buts.
Ainsi, les ambitions portées par le plan « Ma Santé 2022 » et plus encore par les piliers « simplification » et « territoires » du Ségur restent difficiles à mettre en œuvre, en raison de l’importante complexité du système de santé.
La simplification de la gouvernance nationale est le gage de la réussite de la territorialisation du système de santé, en évitant les incohérences et les redondances dans les orientations nationales qui brident les initiatives locales.
C’est pourquoi, il paraît nécessaire d’unifier le pilotage et la mise en œuvre de la politique nationale de santé ainsi que l’exécution de la loi de financement de la sécurité sociale. Il existe à ce titre plusieurs scénarios tels que :
Eu égard à l’ampleur et à la complexité du sujet, il semble nécessaire de proposer une mission de préfiguration ayant pour objectif explicite l’unification de la gouvernance nationale du système de santé à compter de 2024.