1 - Réussir la mutation des hôpitaux de proximité

Les hôpitaux de proximité, véritable porte d’entrée dans la gradation des soins hospitaliers, sont au cœur d’un processus de mutation profond de l’organisation territoriale de santé. 

Ils doivent s’adapter à un changement de missions, dans lequel l’hôpital est davantage tourné vers son environnement et sur la résilience du système de santé, avec une mise en œuvre de projets de prévention et un meilleur suivi des pathologies chroniques pour répondre aux besoins de santé publique de la population.

Ils doivent également répondre à une nouvelle méthode d’action, fondée sur un nouveau modèle de financement et la contractualisation par projet et indicateurs de résultat, avec un financement à la qualité régionalisé.

Dans le contexte de la stratégie de transformation du système de santé « Ma santé 2022 », l’objectif ambitieux de la réforme des hôpitaux de proximité est de bâtir un modèle d’organisation qui permette de :

  • transformer et recomposer l’offre de soins en lien avec les acteurs et les besoins du territoire, afin de faciliter la mise en œuvre d’une responsabilité populationnelle ;
  • offrir des soins de premier recours et orienter les patients vers des établissements de recours ou médico-sociaux suivant les besoins ;
  • investir de nouvelles missions en coopération avec les acteurs du territoire en réponse aux enjeux de prévention et de santé publique ;
  • attirer les professionnels et lutter contre les déserts médicaux.

Les hôpitaux de proximité doivent jouer un rôle majeur de coordination et de régulation sur leur territoire, en lien avec l’ensemble des acteurs et en particulier la médecine de ville, afin de garantir le meilleur suivi des populations et d’éviter les hospitalisations non nécessaires. Aussi, la prévention et la préservation de la santé des populations face aux pathologies chroniques et à la perte d’autonomie apparaissent comme des missions essentielles.

Les hôpitaux de proximité doivent être pleinement intégrés au sein de leur groupements hospitaliers de territoire (GHT) et orienter les patients le nécessitant vers une offre de soins aigue et de recours. À contrario, le lien avec le GHT doit permettre de partager des ressources et de bénéficier par exemple de consultations avancées, de mise en commun du système d’information et de consultations spécialisées avancées dans le territoire. 

Ce nouveau modèle d’organisation vise à la fois les ex-hôpitaux locaux et les centres hospitaliers qui se transforment sur leur territoire. Pour les uns, il s’agit de renforcer les activités existantes, de développer de nouveaux projets et de réintroduire des lits de médecine supprimés et pour les autres d’adapter leur offre de soins aux besoins de prévention et de santé des populations, alors même qu’ils ne disposent plus de services de chirurgie et d’obstétrique. 

a) S’emparer du modèle des hôpitaux de proximité pour bâtir un vrai projet en lien avec son territoire

Une gouvernance à adapter aux réalités locales

L’enjeu de la gouvernance des hôpitaux de proximité est majeur car elle doit refléter l’engagement commun des acteurs de santé dans la conduite de projets locaux en fonction des besoins de la population. Cet engagement commun se concrétise par la signature d’une convention entre l’hôpital de proximité et les acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux du territoire. Cette convention doit rester souple dans ses modalités d’application pour laisser place à l’adaptation aux territoires et aux parties à la convention.

Cette souplesse se retrouve au niveau des modalités d’organisation de l’hôpital de proximité, avec un droit d’option permettant d’intégrer dans les instances des personnalités extérieures, notamment acteurs de la ville, et des représentants des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

Pour les sites d’hôpitaux supports et d’hôpitaux « généraux », qui peuvent prétendre à être labélisés hôpital de proximité, l’ordonnance prévoit que l’établissement de rattachement doit permettre l’adaptation des modalités d’organisation.

Une convention entre l’hôpital de proximité public et l’établissement support de GHT est également prévue, afin de rendre visible/lisible leurs relations dans l’exercice des missions de l’hôpital de proximité et des parcours de soins.

La mise en œuvre effective de ces nouvelles orientations en termes de gouvernance suppose l’appui des pouvoirs publics pour accompagner les initiatives des territoires et initier une coopération accrue entre la ville et l’hôpital pour répondre aux besoins de santé de la population.

Un nouveau financement comme levier de transformation de la réponse aux besoins

Le financement des hôpitaux de proximité, incitatif quant à la réalisation de projets et l’atteinte d’objectifs de santé publique et d’accès aux soins de la population, doit permettre de faciliter la coopération entre les professionnels de santé et de construire une stratégie de territoire et des projets de prévention. De ce fait, il ne peut pas reposer sur la croissance de l’activité mesurée par la tarification à l’activité, mais plutôt sur l’atteinte d’objectifs de santé publique dans le territoire. 

Le modèle financier prévu comporte trois composantes :

  • la première est une garantie pluriannuelle de financement de l’activité de médecine, qui protège de toute perte de revenu et ne prend en compte que les évolutions positives de l’activité. Ainsi pour 2021, la garantie de financement équivaut à 100% des recettes 2019 et 2020 + effet prix lié au Ségur et campagne 2021 soit entre +6,3% et +6,87% pour les établissements publics ;
  • la deuxième est une dotation de responsabilité territoriale fixée pour 3 ans et permettant de financer les missions des hôpitaux de proximité : missions partagées avec les acteurs du territoire et offre de consultation de spécialités avec soutien à l’exercice mixte des médecins libéraux ;
  • la troisième est un financement à la qualité régionalisé : financement en fin de cycle de 3 ans (« bonus qualité »), sur la base d’une contractualisation sur des indicateurs définis localement (basés sur des familles d’indicateurs retenues au niveau national). L’atteinte des objectifs sur la base de ces indicateurs doit donner un vrai bonus financier aux territoires les plus dynamiques.

Enfin, à compter de 2023, la FHF souhaite que les agences régionales de santé (ARS) puissent aller plus loin encore et expérimenter des financements à la qualité collectifs ville-hôpital. La législation devra alors prévoir un dispositif permettant de rétribuer directement les acteurs de la ville comme de l’hôpital, ce qui n’est pas encore possible aujourd’hui.

b) Faire des hôpitaux de proximité un acteur majeur de santé publique contribuant à la responsabilité populationnelle

La FHF propose de :

  • réduire et maitriser les pathologies chroniques en créant de nouveaux liens fonctionnels avec les autres acteurs de santé (notamment les CPTS), sans poursuivre la course aux actes ;
  • mener des actions de santé publique, notamment en partageant des projets communs avec les CPTS ;
  • assurer la coordination et l’appui des établissements et services médico-sociaux (ESMS) du territoire (équipes mobiles gériatriques, infirmiers de nuit…).

2 - Achever de renforcer le rôle des GHT et leur donner les moyens d’évoluer

Les GHT sont un outil indispensable de l’offre publique qu’il faut conforter et défendre.

Il ne fait pas de doute qu’ils permettent une meilleure structuration de l’offre publique sur le territoire. 

Les GHT jouent un rôle majeur dans l’organisation de la gradation des soins sur les territoires, notamment par les liens tissés avec les acteurs des autres secteurs de la santé, que les projets territoriaux de santé doivent valoriser. 

Or, les liens existants avec le secteur médico-social mériteraient d’être renforcés, de manière à fluidifier les parcours de soins des personnes en perte d’autonomie. A ce titre, la FHF propose que tous les GHT se dotent d’un directeur délégué aux ESMS ainsi que d’un volet spécifique de leur projet médical partagé qui s’y réfère.

a) Les GHT, un outil précieux à simplifier

Il s’agit tout d’abord d’alléger la gouvernance des GHT en mettant en œuvre les possibilités de substitution ou de fusion des instances ouvertes par la loi, ainsi que le préconise le rapport IGAS relatif au « bilan d’étape des groupements hospitaliers de territoire (GHT) » paru le 10 février 2020.

De même, il est nécessaire de développer et d’unifier les systèmes d’information et d’améliorer la coordination de l’investissement à l’échelle du GHT.

b) Donner la possibilité aux GHT de se doter de la personnalité morale pour plus d’efficacité et de simplicité

Si le constat actuel est celui de déploiements assez inégaux des GHT, certains apparaissent clairement en avance, convergeant vers un modèle intégratif. 

Ainsi, la consolidation du modèle agrégatif du GHT actuel, aux compétences élargies et à la gouvernance potentiellement allégée par les droits d’option ouverts, permettrait de donner un nouvel élan aux GHT, afin de poursuivre et d’amplifier les résultats.

C’est pourquoi, il faut que les GHT qui le souhaitent se voient dotés de la personnalité morale afin d’accélérer la mise en commun des moyens, la répartition harmonieuse de l’offre publique sur les territoires et la structuration des investissements sur les territoires. Dans un délai de 3 ans, il faudra tirer les conséquences de la personnalité morale pour envisager de généraliser ou non cette évolution juridique. 

Les GHT qui y sont prêts pourraient ainsi gérer les autorisations sanitaires et les mettre en œuvre sur les différents sites du groupement sous réserve du respect des conditions d’implantation et des conditions techniques de fonctionnement définies pour ces activités. 

À minima, l’avis du comité stratégique du GHT sera requis dans le processus de demande d’autorisation pour les établissements parties au groupement. 

Le droit actuel des autorisations, appuyé sur les établissements, pourrait être pensé à l’échelle du GHT afin de renforcer la mise en œuvre de la stratégie de groupe ainsi que la gradation des soins sur le territoire. Ainsi, un droit d’option pourrait être donné pour tout ou partie pour gérer en commun les autorisations à l’échelle du GHT.

En ce qui concerne les GHT qui rencontrent des difficultés d’organisation et de fonctionnement, la FHF n’est pas hostile à une évolution modérée des frontières des GHT dès lors qu’il existe un consensus pour cela et que la nouvelle configuration permet d’atteindre de nouveaux objectifs en termes de mise en œuvre du projet médical partagé. 

c) Investir la démarche de prévention à l’échelle d’un territoire

Le temps 2 des GHT devra aussi être celui de la prise en compte beaucoup plus forte des problématiques de prévention dans le cadre du projet médical partagé. 

En lien avec les autres acteurs de santé du territoire, l’hôpital (CH ou CHU) peut mettre l’expertise irremplaçable des professionnels médicaux et paramédicaux au service de la santé publique dans les territoires. Les consultations et soins aigus qu’apportent les CH et CHU peuvent devenir l’occasion de proposer systématiquement des démarches de dépistage et de lutte contre les addictions par exemple, en lien étroit avec les acteurs de ville. Pour ce faire (voir le volet prévention de la plateforme présidentielle de la FHF) la FHF propose la création d’une enveloppe d’intérêt général permettant d’affecter des ressources humaines dédiées à la santé publique. L’expérimentation d’une enveloppe conjointe avec l’offre ambulatoire pourrait être menée en 2023. Constituée d’un socle minimum, cette enveloppe pourrait augmenter au fur et à mesure de l’atteinte d’objectifs de santé dans le territoire, de nature à préserver la santé et de mieux maitriser les pathologies chroniques dans une logique de responsabilité populationnelle.

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