1 - Faire de la prévention de la perte d’autonomie une priorité de santé publique

Le rapport de Dominique Libault de mars 2019 (« Concertation grand âge et autonomie ») invitait les pouvoirs publics à investir plus fortement dans la prévention de la perte d’autonomie pour augmenter l’espérance de vie sans incapacité. 

Le plan « vieillir en bonne santé 2020 – 2022 », présenté en janvier 2020, matérialisait une ambition forte, mais sa mise en œuvre s’est vu contrarier par la crise sanitaire. 

L’amplification des politiques de prévention de la perte d’autonomie est plus que jamais nécessaire, en mobilisant les différents acteurs de la société autour de plusieurs actions concrètes.

a) Mettre en place un rendez-vous de prévention

Un rendez-vous de prévention pourrait être mis en place au moment du départ en retraite, avec une consultation dédiée pour une approche globale de prévention et une évaluation multidimensionnelle à 60 – 65 ans (proposition 71 du rapport Libault).

b) Déployer et mettre en œuvre les recommandations du programme ICOPE de l’OMS

La FHF soutient le principe de l’expérimentation à grande échelle du programme de dépistage de la fragilité selon la démarche ICOPE (Integrated Care for Older People) conçue par l’organisation mondiale de la santé (OMS), prévue dans le cadre du plan « vieillir en bonne santé 2020 – 2022 », mais dont la mise en œuvre a été retardée par la crise sanitaire. La démarche, actuellement expérimentée en Occitanie par le gérontopôle du CHU de Toulouse, doit être largement déployée.

c) Former massivement les professionnels à la prévention et diffuser les démarches de prévention dans l’ensemble des établissements et services

Un effort important doit être mené sur la formation des professionnels des établissements et services pour personnes âgées, en intégrant de manière systématique des formations spécifiques à la prévention de la perte d’autonomie et au repérage des fragilités ainsi qu’aux formations initiales et continues de ces professionnels.

Concrètement, le déploiement d’équipes de prévention inter-établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) peut permettre d’accompagner les établissements et services à structurer une politique locale de prévention et de sensibiliser à large échelle les professionnels.

D’une manière générale, les EHPAD qui disposent de ressources suffisantes peuvent proposer d’intervenir dans l’évaluation de la perte d’autonomie et le repérage précoce des fragilités des personnes vivant à domicile.

d) Donner les moyens aux établissements médico-sociaux de prévenir l’aggravation de la perte d’autonomie par la mise en place d’un « forfait prévention » pérenne et en valorisant davantage la prévention dans le mode de financement

Le financement des actions de prévention par appel à projets n’est pas satisfaisant, car il est lié à la constitution d’un dossier, sur un temps limité, qui sera mis en concurrence avec d’autres dossiers pour l’attribution de crédits ponctuels. 

Un soutien plus systématique aux actions de prévention pourrait être assuré par l’adaptation des modes de financements pour permettre une réelle incitation au développement de la prévention (par exemple par la mise en place d’un « forfait prévention » pérenne pour tous les établissements et services avec fixation d’objectifs à atteindre et utilisation d’indicateurs d’évaluation).

2 - Programmer la création de nouvelles solutions d’accompagnement et de soins pour anticiper le vieillissement démographique

Les projections sur le vieillissement démographique d’ici 2030 et 2050 imposent de se questionner sur le volume de l’offre (voir l’étude de la DREES de décembre 2020 : « Perte d’autonomie : à pratiques inchangées, 108 000 seniors de plus seraient attendus en EHPAD d’ici 2030 »). Le besoin en volume et la nature de ces « solutions d’accompagnement » (aussi bien des places d’EHPAD que de services à domicile) dépendra des effets de la recomposition de l’offre sur le taux d’institutionnalisation, mais la programmation de la création de ces solutions doit être anticipée. La FHF estime qu’il est d’ores et déjà nécessaire de programmer la création de 10 000 nouvelles « solutions » par an. 

3 - Construire les solutions de demain pour permettre à chacun de choisir son mode d’accompagnement : accompagner la mutation des établissements et services

a) Développer de nouvelles formes d’habitats pour répondre aux attentes des personnes

Adapter l’offre aux attentes des personnes âgées suppose également de développer de nouvelles solutions et formes d’habitats, inclusifs et insérés dans la vie locale (voir le rapport sur l’habitat inclusif de Denis Piveteau et Jacques Wolfrom de juin 2020 : « Demain je pourrai choisir d’habiter avec vous »), pour répondre au besoin d’être chez soi sans être isolé. Ces solutions ne relèvent pas du champ médico-social mais peuvent être développées par des établissements et services médico-sociaux (ESMS) pour compléter l’offre médico-sociale.

b) Mieux coordonner les interventions à domicile et soutenir la recomposition de l’offre des services à domicile en renforçant leurs moyens

La FHF soutient la transformation vers des services à domicile intégrés, pour améliorer la coordination des prestations d’aide et de soins à domicile et permettre d’offrir un bouquet de services coordonnés et gradués. De même, l’ambition de faire évoluer la tarification des interventions liées aux soins pour tenir compte de l’état de santé et du niveau de perte d’autonomie des usagers doit être saluée.

La volonté de favoriser le maintien à domicile et de réformer les services à domicile devra nécessairement s’accompagner d’un renforcement à court terme des moyens qui leur sont alloués.

  • Rendre possible la transformation des ESMS vers le soutien des personnes vivant à domicile, en les dotant des outils indispensables à la création de plateformes de services de proximité (autorisations regroupées, possibilité de modification rapide des autorisations, financement globalisés, suivi de files actives…)

Le modèle d’EHPAD « plateforme de services » que la FHF souhaite promouvoir doit être envisagé comme un accompagnement d’une file active de personnes en perte d’autonomie sur un territoire, leur apportant des prestations qui peuvent varier dans le temps (une personne pourrait dans un même logement recevoir des prestations de portage de repas et de maintien du lien social et ensuite, si la situation l’exige, des prestations de soins identiques à celle d’un EHPAD ou d’une unité de soins longue durée (USLD)).

Mieux structurer et diversifier le bouquet de services gérontologiques portés par le gestionnaire, dans le cadre de la contractualisation avec les autorités de contrôle et de tarification, suppose une simplification radicale des modalités d’autorisation. Ainsi, devrait dorénavant être autorisé un nombre global de places, avec un volume de financement correspondant à une activité prévisionnelle, ce qui aboutirait à confier à l’opérateur un nombre d’usagers à suivre (passage d’autorisations capacitaires par modes de prises en charge à des autorisations en file active de population) et une plus grande responsabilisation. 

Les dispositifs doivent également être conçus pour donner de la souplesse, permettre des « allers-retours » entre financeurs et financés et, d’une manière générale, favoriser la « réversibilité » des accompagnements.

La FHF estime nécessaire de poursuivre également la diversification des modalités d’accompagnement et le développement de toutes les alternatives à l’hébergement à temps complet en établissement (logement intermédiaire ou résidences autonomies, accueil temporaire) mais aussi d’une offre, diversifiée et graduée, de répit en direction des proches aidants.

c) Développer des modalités particulières d’accompagnement, pour répondre aux besoins spécifiques de certains publics

Pour répondre de manière adaptée aux besoins en soins spécifiques de certains publics, il reste nécessaire d’organiser et de développer dans chaque territoire, au sein des établissements, des modalités particulières d’accompagnement : troubles cognitifs (relance d’un plan de création de Pôles d’activité et de soins adaptés (PASA) et d’Unités d’hébergement renforcées (UHR)) profils psychiatriques, personnes handicapées vieillissantes…

Ces modalités particulières d’accompagnement devront être conçues dans une logique de projet de service à l’échelle d’un territoire, qui s’appuiera sur des ressources spécialisées, et devront faire l’objet de financements complémentaires à hauteur des besoins médico-soignants renforcés qu’elles impliquent. A cet égard, il est urgent de revaloriser les forfaits PASA ou UHR qui n’ont pas évolué depuis une décennie.

 

Pour le secteur public, ces démarches doivent être combinées avec l’objectif de structuration de l’offre en proximité, indispensable à terme pour assurer la consolidation et la pérennité d’une offre la plus complète possible et la garantie d’une accessibilité géographique et économique pour le plus grand nombre (voir Ambition 28 : « Soutenir et renforcer le secteur public du Grand âge et de l’Autonomie »).

4 - Faciliter le parcours de santé et de vie des personnes âgées, éviter les ruptures :

Sur le champ des politiques Autonomie, la convergence des dispositifs de coordination et la définition d’une porte d’entrée unique territorialisée sont devenues impératives pour simplifier l’accès à l’information pour les personnes âgées et leurs proches, mais aussi pour fluidifier concrètement leurs parcours en encourageant les synergies entre les acteurs de l’accompagnement et du soutien à l’autonomie.

a) Renforcer et faire converger les dispositifs d’évaluation de la perte d’autonomie

Il s’agit d’unifier les outils d’évaluation multidimensionnelle pour n’en reconnaitre qu’un seul, utilisé par tous, et permettre ainsi de rendre opposable l’évaluation faite par un des partenaires auprès de tous, de manière à mettre fin aux multiples évaluations réalisées à l’entrée de chaque dispositif et faciliter les démarches pour les usagers et leurs familles.

b) Instaurer un guichet unique de proximité pour les usagers et les aidants permettant l’accès à l’information, à l’orientation, à l’ouverture des droits et à l’accompagnement lors de situations complexes

La création dans chaque département d’un service public territorial de l’autonomie, tel que préfiguré par la mission confiée à Dominique Libault, doit permettre la mise en place d’un guichet unique pour les personnes en perte d’autonomie et leurs proches aidants dédié à l’accueil, l’information, l’orientation et à l’accompagnement dans les démarches et l’accès aux droits, mais aussi pour les professionnels qui les prennent en charge.

Ce guichet unique devra être doté d’une gouvernance large intégrant la filière gériatrique.

c) Mettre en place un parcours de soins à l’hôpital adapté aux besoins des personnes âgées

La FHF soutient l’objectif de généralisation des parcours d’admissions directes non programmées des personnes âgées, en application de la mesure 5 du Pacte de refondation des urgences. 

La sécurisation des parcours pourrait être également renforcée par la généralisation de postes d’infirmiers de sortie d’hospitalisation dans les établissements de santé, mais aussi par le développement de places d’hébergement temporaire en sortie d’hospitalisation dans les EHPAD.

D’une manière générale, un renforcement des filières gériatriques avec une intégration plus poussée de l’ensemble des acteurs médico-sociaux, de ville et hospitaliers doit permettre d’améliorer le parcours de santé des personnes âgées. 

5 - Redéfinir les missions et les moyens des USLD

En objectivant les caractéristiques et le profil de soins des usagers accueillis en EHPAD ou en USLD, le récent rapport des Pr Jeandel et Guérin de juillet 2021 (« 25 recommandations pour une prise en soins adaptée des patients et des résidents afin que nos établissements demeurent des lieux de vie ») a souligné la nécessité de sortir du statu quo concernant les USLD, confrontées de plus en plus à un problème d’identité et à une pression très forte sur leurs moyens.

a) Envisager une requalification des USLD en unités de soins prolongés complexes dotées de moyens médico-soignants renforcés

Sur le principe, la FHF partage l’objectif d’une requalification d’une partie des USLD en unités de soins prolongés complexes (USPC), à vocation strictement sanitaire comme proposé par le rapport des Pr Jeandel et Guérin.

L‘admission en USPC serait réservée à des profils pathologiques déterminés et qui devrait justifier, au regard de la charge en soins, d’un doublement du forfait soins actuel. Le cahier des charges décrirait le lien avec le plateau technique et les professionnels médicaux et paramédicaux nécessaires, en nombre et en qualification. Les capacités qui ne seraient pas requalifiées devraient en toute hypothèse voir leurs moyens maintenus.

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